La grande escroquerie de la gauche marocaine: Les porteurs d’eau de l’arabo-baâthisme


Cet article est largement inspiré de celui de mon ami Mohamed Boudhan, intitulé en arabe «Al khidlan al abadi li al yassar al maghribi» que j’ai traduit ainsi: «La grande escroquerie de la gauche marocaine», en y ajoutant un sous-titre: «Les porteurs d’eau de l’arabo-baâthisme». J’ai tenté d’en faire une synthèse, avec des ajouts personnels, pour les lecteurs francophones en raison de son importance et sa valeur didactique: M. Boudhan écrit dans un style claire, accessible à tous, sans emphase ni rhétorique creuse. C’est, pour moi, une façon de lui rendre hommage pour son engagement indéfectible pour la cause amazighe. J’ai eu le plaisir de le connaitre depuis le début des années 90. Ces contributions à la revue Tifinaghe dont j’assumais la coordination et au journal Tidmi (en français), puis Agraw Amazighe constituent des références pour notre jeunesse en mal de repères. Son action se prolongera dans le journal Tawiza qu’il a fondé et qui reste une référence pour la mouvance amazighe.

La «gauche marocaine», entendue au sens de godiche, est une corporation fondée sur des idées importées et défigurées par rapport à leur sémantisme d’origine. Elle partage avec la topique islamo-intégriste la dénégation et la haine de soi. Durant plus de quatre décennies, elle s’est accrochée à des mirages qui ont désamorcé sa raison: l’idéologie arabo-nationalitaro-baathiste. Elle souffre d’arabomania; une maladie chronique qui lui fait voir le monde à travers le prisme de l’arabisme maladif et périmé. Une topique niveleuse, allergique à tout ce qui n’est pas arabe.

Cette même gauche, qui n’a de marocain que le nom, par le biais d’une de ses «sectes» a reçu à Tanger, en octobre 2019, une confrérie dénommée «Front Arabe Progressiste» pour lui permettre de tenir son congrès et dont le thème est: «L’unité arabe, une nécessité historique et stratégique». Je laisse de côté l’anachronisme criant du slogan et je reviens à «notre» gauche, pour en dévoiler les tenants et les aboutissants.

Notre gauche cultive une obsession morbide: elle ne vit et ne respire que pour un idéal fantasmé: l’orientalitarisme conjugué à l’arabisme et au nationalitarisme. Pour elle, l’authenticité marocaine dont l’amazighité constitue l’emblème est à bannir, parce que rétrograde et passéiste. Le Maroc ne jouit d’aucune autonomie identitaire. Il n’est qu’une succursale, un appendice d’un Orient arabe. Il n’a ni histoire, ni culture…qui lui sont propres et lui offrent sa spécificité.

Cette vision erronée est supportée par toutes les mouvances de la gauche marocaine et constitue le référentiel autant de ses organisations politiques et syndicales que de ses «intellectuels» et autres phraseurs. Inspirée par les modèles politiques exogènes arabo-baathistes de Nasser, Saddam, Assad et Kadhafi qu’elle veut implanter dans un Maroc amazighe, cette gauche s’est attelée durant quarante années à renverser le régime du roi défunt Hassan II. Ce dernier, en incarnant le régime marocain était l’homme à abattre.

Celui-ci fut acculé et décida de réagir dans le cadre d’une légitime défense de la monarchie. Pour la survie de son régime, il usa de tous les moyens: répression, torture, procès politiques… Ce fut les «années de plomb». Il fallait attendre l’année 1998 pour consacrer la «réconciliation», dans le cadre d’un gouvernement dit «gouvernement d’alternance».

En fait, la gauche marocaine, en prenant comme modèle des régimes dictatoriaux et répressifs arabistes, n’a jamais eu comme projet politique l’édification d’un Etat de droit, respectueux des droits de l’homme, de la diversité et de la démocratie. Son soutien aveugle et pavlovien de Saddam, Kadhafi… dissipe tout doute. Le Maroc pour elle est un champ d’expérimentation dont les amazighes sont des cobayes. Leur discours est un discours de façade. Leurs référents socialistes marxistes ont été détournés, vidés de leur sens et drapés d’un habillage arabiste raciste.

Et pour réaliser son «rêve», elle s’est mobilisée pour la désintégration de l’identité amazighe en falsifiant l’histoire, en prostituant la culture, en méprisant la langue et en humiliant l’homme amazighe en créant chez lui un complexe d’infériorité et le poussant à s’auto nier. L’arabité est conçue comme source de progrès et l’amazighité est synonyme de séparatisme et de passéisme. Des «intellectuels» amazighes de gauche se sont comporté comme des mercenaires de cette idéologie létale, à tel point que s’est développé chez eux des réflexes d’amazighophobie : ils ne supportent pas de se voir dans un miroir. Leur pathologie a créé chez eux un sentiment d’aherdanophobie, en référence au leader politique amazighe, Mahjoubi Aherdan, qui s’est rangé au côté de la monarchie pour pouvoir, dans un contexte d’hostilité générale, maintenir le flambeau de l’amazighité qu’il évoque et défend dans ses entretiens et déclarations.

Aherdan dérangeait car la gauche ne voulait pas de son amazighité. D’abord parce qu’il se déclarait monarchiste, ensuite, son amazighité ne cadre pas à l’amazighité de «la lutte des classes sociales» contre la «bourgeoisie compradore» de la gauche arabiste. La gauche a fonctionné comme sous-traitants, ses adeptes sont les porteurs d’eau de l’arabo-baathisme. L’amazighité relève d’un folklore désuet et son maintien superficiel devra être subordonné à une arabité triomphante et supérieure.

La gauche a ainsi servi de relais de propagande et d’exécution d’un projet ethnocidaire. Les déclarations de deux de ses leaders sont édifiantes: Abderrahim Bouâbid a qualifié les hommes de la résistance amazighe de «centaures primitifs» et a supplié le colonisateur de les mater. Ben Berka estimait que la «question amazighe n’est qu’un problème de sous-développement, une fois ce dernier jugulé, on n’en entendra plus parler». Et le développement est incarné par l’adhésion suicidaire à l’arabité et l’arabisme. Selon cet éminent idéologue, être amazighe est synonyme de sous-développement, et se renier en «devenant» arabe, c’est être développé, être progressiste, marxiste et socialiste. Vivre sous la botte d’un parti unique verrouillé par un mégalomane omnipotent.

Cela revient à singer l’irakien, le syrien, l’égyptien nassérien. Oublier ses montagnes enclavées, marginalisées, délaissées (ou il n’existe ni usine ni classes sociales); renier son identité et vivre sous une identité d’emprunt, porter un masque. Et la gauche a une arme: le bourrage du crâne et l’embrigadement idéologique dans les universités, par le biais de la radio et la télévision. La violence si nécessaire. Pour conforter ses mentors et bailleurs de fonds d’Orient, la gauche a voulu faire table rase de notre passé, de notre histoire et de notre mémoire collective amazighe. Elle voulait créer ex-nihilo un nouveau peuple marocain à coup de slogans et de répression. Elle n’a pas hésité à trahir le pays en soutenant l’Algérie lors de la guerre des sables de 1963.

Face à une gauche qui se présente comme son alternative, le régime marocain a mis de côté le développement socio-économique du pays pour garantir sa sécurité et sa stabilité. Quatre décennies de gâchis en raison de cette gauche déracinée qui a hypothéqué la stabilité du pays. Elle a fini par renier ses «fantasmes» en 1998 en acceptant la constitution d’un «gouvernement d’alternance» dirigé par un repenti qui est rentré au bercail et dont une des actions-phares est d’avoir promulgué une circulaire imposant l’arabisation des plaques de voitures. Révolutionnaire !

Puis ce fut la ruée vers les postes: le processus de «justice transitionnelle» enclenché sous le nouveau règne libéra l’appétit et la voracité des ténors de la gauche arabo-baathiste. Le makhzen n’eut aucun mal à les domestiquer en leur octroyant des privilèges faramineux (postes convoités, accès au sérail, limousine et villas, entre autre).

On leur fit tourner la tête: ils passent de la «bissara» à la crevette royale. De lieux sales et crasseux vers des bureaux climatisés. Ils font désormais leurs commissions dans des boutiques de marque après avoir changé leurs numéros de téléphone. Soudoyés, ils foulent aux pieds les idéaux «démocratiques» pour lesquels ils disent avoir lutté. Ils cautionnent des décisions iniques et retournent leurs veste, ils deviennent des acteurs de la répression et de la corruption.

Cependant, l’échec patent de leur modèle politique oriental n’a pas atténué leur allergie pour l’amazighité. Ils continuent à la combattre de manière déclarée ou sournoise, s’alignant sur leurs nouveaux alliés : les islamistes dont ils partagent le référentiel. Ensemble ils continuent de défendre des causes perdues d’avance. Ils vocifèrent contre la «normalisation avec l’Etat d’Israël». D’aucuns se sont recyclés en islamistes. Ces nouveaux convertis estiment que les intégristes ont des idéaux communs avec la gauche: l’arabisation et la fidélité à l’Orient arabe. La gauche a importé l’arabo-baathisme et les islamistes ne jurent que par le wahhabisme qui dégénère souvent vers le terrorisme. Edifiant.

Par: Moha Moukhlis

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