L’Europe et le Maroc: est-ce le grand divorce?


Le Parlement européen, dans un geste d’inimitié extrême, a jeté l’opprobre sur le Maroc le 19 janvier 2023, en le condamnant pour manque de liberté de presse et de liberté tout court. Outré par cet acte de grande ingratitude, le Maroc, peuple et gouvernement, ont rejeté en bloc ces accusations gratuites et ont appelé à revoir les relations avec cette institution dont les derniers actes sentent le pétrole et le gaz algériens, en quelque sorte. [i]

Les relations entre le Maroc et l’UE

Le Maroc est un pays voisin et associé de l’Union européenne. Le pays a une frontière terrestre, avec l’Espagne, membre de l’UE, dans les enclaves de Ceuta et Melilla. Il a également une frontière maritime avec l’Espagne à travers le détroit de Gibraltar et des frontières de zone économique exclusive avec les zones de l’UE dans l’Atlantique. Les relations entre les deux pays sont encadrées par la politique européenne de voisinage (PEV) et l’Union pour la Méditerranée. Parmi les pays de la PEV, le Maroc s’est vu reconnaître un statut avancé, ouvrant la voie à des niveaux élevés de coopération politique. [ii]

L’importance du Maroc pour l’Europe est présentée par Maria Callejon (Universitat de Barcelona) Gemma Garcia (Universitat de Barcelona) comme suit : [iii]

‘’L’importance économique du Maroc comme partenaire commercial pour l’UE est encore limitée, mais le Maroc offre des potentialités non négligeables dans plusieurs secteurs qui intéressent aux européens soit comme consommateurs, soit comme producteurs-exportateurs dans le cas des entreprises européennes installées au Maroc, spécialement en ce qui concerne les produits agricoles, de la pêche et d’autres biens manufacturés à forte intensité de travail ou intensifs en ressources naturelles spécifiques. En même temps les avantages comparatifs du Maroc comme fournisseur pourraient menacer la position compétitive de certains intérêts économiques dans l’UE, notamment dans l’agriculture et l’industrie agroalimentaire.’’

Les principaux liens juridiques entre le Maroc et l’UE sont établis par l’accord d’association de 2000. Plusieurs autres accords couvrent des questions sectorielles, notamment l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche entre l’UE et le Maroc de 2006 et l’accord « ciel ouvert » de 2006.

Les relations diplomatiques entre le Maroc et l’Union européenne remontent à 1960, date à laquelle un accord commercial a été conclu avec les Communautés européennes. En 1976, un premier accord de coopération a été signé.

Lors de la conférence de Barcelone en 1995, le partenariat euro-méditerranéen a été inauguré, établissant une politique avec des objectifs ambitieux et à long terme dans les domaines du partenariat politique et de sécurité, du partenariat économique et financier et de la coopération dans les affaires sociales, culturelles et humaines. [iv]

Le début du règne du Roi Mohammed VI, en juillet 1999, a marqué un changement majeur vers plus de coopération, de compréhension et de partenariat. Afin d’améliorer la coopération euro-méditerranéenne, l’UE et le Maroc ont mis en place l’accord d’association UE-Maroc. Ce document, daté du 1er mars 2000, constitue la base juridique des relations entre le Maroc et l’UE.

Avec l’inauguration de la politique européenne de voisinage et de l’Union pour la Méditerranée, le Maroc et l’UE ont rédigé et adopté un plan d’action PEV en juillet 2005, qui définit les prochaines étapes de la coopération. Dans le cadre du Plan d’Action de Voisinage, [v] le Maroc s’est engagé dans un effort important pour s’aligner sur la législation et les normes de l’UE. Cela devrait lui permettre d’avancer progressivement dans les possibilités offertes par la politique de voisinage, et en particulier de progresser au-delà des relations existantes vers un degré significatif d’intégration ; cela inclut de permettre au Maroc de participer au marché unique et de prendre part progressivement aux programmes de l’UE. Cela nécessitera un grand effort de la part du Maroc pour créer les conditions législatives et institutionnelles nécessaires. Cette ambition se reflète dans le statut avancé du Maroc avec l’UE qui est « plus qu’une association, moins qu’une adhésion« . [vi]

Avec le statut avancé accordé au Maroc le 13 octobre 2008, [vii] le partenariat a acquis un niveau de coopération politique de haut niveau. Le premier sommet UE-Maroc a eu lieu le 7 mars 2010.

Younes Belfellah, enseignant-chercheur à l’Université Toulouse 3, explique ce statut dans les termes suivants : [viii]

‘’Le Maroc a développé des relations diverses et historiques avec l’Union Européenne, concrétisées par des accords bilatéraux depuis l’indépendance. En 2008, le royaume a obtenu un statut avancé auprès de l’UE, partenariat de coopération sur plusieurs activités de l’Union. C’était une première pour un pays non européen, qui va ainsi pouvoir bénéficier de certains avantages, sans toutefois adhérer aux institutions européennes. Le statut avancé induit la création d’un dialogue politique et stratégique avec le Maroc incluant la démocratisation de la vie politique au Maroc, et notamment la modification de sa législation en termes des droits de l’Homme et de gouvernance des institutions. Dans le domaine économique, le statut avancé met l’accent sur l’intégration du marché, le développement des infrastructures et l’amélioration du climat des affaires au Maroc. Il facilite le libre-échange entre le Maroc et l’UE ainsi que le partage d’expériences. La collaboration entre les deux partenaires vise également les questions de sécurité, la lutte contre le terrorisme et les défis de l’immigration.’’

Accords bilatéraux

Des accords de pêche (le dernier en date étant l’accord de partenariat de pêche UE-Maroc, APP, de 2006) ont été signés périodiquement entre le Maroc et l’UE depuis les années 1980, permettant aux navires européens (surtout espagnols et portugais) de pêcher dans les eaux marocaines en échange d’une contribution monétaire. [ix]

Depuis 2000, le Maroc et l’UE ont signé de nombreux accords bilatéraux. Divers accords de libre-échange que le Maroc a ratifié avec ses principaux partenaires économiques comme l’accord de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne. Les deux parties ont récemment annoncé qu’elles prévoyaient d’étendre leur accord de libre-échange pour couvrir non seulement les marchandises, mais aussi l’agriculture et les services, donnant ainsi au Maroc presque le même accord avec l’Europe que les États membres ont entre eux. Ces accords font partie de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne signée à Barcelone, en Espagne, en 1995.

Le Maroc et l’UE ont également signé un accord « ciel ouvert ». Cet accord est le premier que l’Europe n’ait jamais conclu en dehors de ses frontières. Il est entré en vigueur à l’été 2006.

En 2017, Federica Mogherini, la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a suscité la controverse et la confusion diplomatique en déclarant que les accords commerciaux entre le Maroc et l’UE ne seraient pas affectés par l’arrêt rendu en 2016 par la Cour de justice de l’Union européenne sur le champ d’application du commerce avec le Maroc. Cet arrêt a confirmé que les accords commerciaux bilatéraux, tels que l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche entre l’UE et le Maroc, ne couvrent que les produits agricoles et les produits de la pêche originaires des frontières internationalement reconnues du Maroc, excluant ainsi explicitement tout produit provenant du Sahara marocain ou de ses eaux territoriales.

Parlement européen
Parlement européen

En 1987, le Maroc a demandé à adhérer aux Communautés européennes (le précurseur de l’Union européenne). Cette demande a été rejetée au motif que le Maroc n’était pas considéré comme un « pays européen » et ne pouvait donc pas adhérer. Ce critère d’appartenance géographique fait partie des traités de l’UE et de ses prédécesseurs depuis le traité de Rome (article 237 du traité instituant la Communauté économique européenne) et a ensuite été inclus dans les critères de Copenhague. Ce rejet était attendu, car le roi avait envoyé des signaux d’alarme deux ans auparavant et avait reçu une telle réponse.

Pour ce qui est des relations commerciales, il faut dire que l’UE est le premier partenaire marocain dans ce domaine : [x]

‘’L’UE est le premier partenaire commercial du Maroc, avec 56 % de ses échanges de marchandises en 2019. 64 % des exportations marocaines étaient destinées à l’UE et 51 % des importations du Maroc provenaient de l’UE. Le Maroc est le premier partenaire commercial de l’UE dans le voisinage méridional, avec 25 % du total des échanges de marchandises de l’UE avec la région.  

Le volume total des échanges de marchandises entre l’UE et le Maroc s’est élevé à 35,2 milliards d’euros en 2020. Les importations de l’UE en provenance du Maroc se sont élevées à 15,1 milliards d’euros. Les exportations de l’UE vers le Maroc se sont élevées à 20,1 milliards d’euros.  

Les échanges bilatéraux de services ont atteint 10,7 milliards d’euros en 2019. Les importations de services par l’UE ont représenté 6 milliards d’euros alors que ses exportations se sont élevées à 4,7 milliards d’euros. ‘’ 

Maroc, gendarme attitré de l’Europe ? [xi]

L’année 2015 a été caractérisée par la  » crise des migrants  » dans l’UE. C’est à partir de 2015 que l’UE a intensifié son discours de « crise » sur la migration, la traitant comme une question de sécurité urgente à traiter. Ce discours de l’urgence a gagné en importance politique au plus haut niveau et s’est traduit par des mesures sévères de sécurité aux frontières de l’UE. La priorité accordée à la sécurité des frontières et ce récit de la menace et de la sécurisation est parfaitement visible dans l’ »agenda stratégique 2019-2024 » de l’UE, publié en juin 2019, où il est indiqué que l’UE doit assurer l’intégrité de son territoire et « savoir et être celle qui décide qui entre dans l’UE« .

En effet, le rapport souligne que le « contrôle effectif des frontières extérieures est une condition préalable absolue pour garantir la sécurité, le maintien de l’ordre public et le fonctionnement des politiques de l’UE « .

Sur la question de la migration, le Maroc n’a jamais été concerné par le fait que des migrants restent dans le Royaume. En réalité, depuis 2013, le Maroc a assoupli ses politiques migratoires en les rendant plus humanitaires et accueillantes. Par exemple, le Maroc accorde des permis de résidence renouvelables aux migrants subsahariens qui ne sont pas nécessairement des demandeurs d’asile et qui finissent par s’installer de façon permanente. Le Maroc est également sceptique quant à l’efficacité et à la durabilité des politiques anti-immigration de l’UE appliquées en Afrique du Nord. En fait, les décideurs politiques marocains se rendent compte que l’Europe fait pression pour que le Royaume prenne en charge la totalité du fardeau de la migration, à condition qu’il la garde loin de ses côtes. [xii]

Pour Younès Ahouga et Rahel Kunz écrivent à ce sujet : [xiii]

‘’La re-conceptualisation de la régulation des migrations euro-méditerranéennes basée sur une approche foucaldienne de gouvernementalité que nous privilégions permet d’appréhender les transformations des logiques et instruments de cette régulation au-delà d’une simple externalisation top-down. Il s’agit plutôt de l’émergence d’une nouvelle formule de gouvernance éclatée et décentralisée, mais cohérente, qui implique les pays d’origine et de transit en tant qu’agents actifs et autonomes. Et cette gouvernance, qui produit une régulation des conduites et des identités des États impliqués, se manifeste tout particulièrement dans le cas du Maroc, qui se pose en « chef de file d’une intégration adaptée de l’Union [européenne] avec les pays du Sud ».’’

Cela est devenu particulièrement clair lorsqu’en 2018, l’UE a proposé de construire des centres d’asile offshore au Maroc pour retenir les migrants d’atteindre l’Europe. Le ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita, s’est opposé avec véhémence à cette idée en invoquant sa crainte qu’elle devienne un moyen pour l’UE d’externaliser son problème de migration sans le traiter.

Dans l’ensemble, il est clair qu’au niveau national, le Maroc préfère faciliter la mobilité et maintenir le principe de la liberté de mouvement des migrants. Cependant, en raison de sa dépendance vis-à-vis des marchés et du soutien politique de l’UE, il s’est jusqu’à présent efforcé d’empêcher les migrants d’atteindre les côtes européennes. [xiv]

Aujourd’hui, cette dynamique entre le Maroc et l’UE change lentement. Après des décennies de manipulation économique, le Maroc adopte enfin une approche plus affirmée de ses relations avec l’UE afin de défendre ses intérêts et de construire une relation mutuellement bénéfique.  En effet, l’UE doit reconsidérer son approche néocolonialiste dans ses relations économiques avec le Maroc. Pendant des années, la nation nord-africaine a été un bon voisin, un partenaire compréhensif, un négociateur flexible et un partenaire de confiance. Pourtant, l’attitude européenne a été arrogante, hypocrite et condescendante.

Aujourd’hui, cependant, les décideurs marocains savent qu’ils ont plus de poids vis-à-vis de l’Europe, depuis que le Royaume a construit des liens commerciaux forts avec d’autres partenaires – tels que la Chine – affaiblissant sa dépendance vis-à-vis de l’UE. Ainsi, il n’est pas surprenant que les nouveaux marchés et partenariats du Maroc contrebalancent l’influence de l’UE sur les décisions économiques, sociales et politiques du Royaume. Cela devient une réalité tatillonne pour l’UE, notamment en ce qui concerne l’effort du Maroc pour assouplir ses politiques migratoires.

En effet, alors que le Maroc se concentre sur la construction de relations plus fortes en Afrique, la question de la liberté de mouvement devient une priorité. Cette priorité est résumée dans la politique africaine du Royaume, dans laquelle la migration est un point important de coopération entre le Royaume et ses partenaires africains. Par exemple, pour montrer sa bonne volonté envers ses nouveaux partenaires subsahariens, le Maroc a lancé une réforme globale de la migration en 2013, qui comprenait deux campagnes de régularisation offrant un statut légal à plus de 40 000 migrants. [xv]

En outre, la même année, le ministère marocain de l’Éducation a accordé l’accès à l’école publique à tous les enfants issus de l’immigration.

Le Maroc combat le terrorisme et protège l’Europe de ses effets néfastes

Depuis les attentats terroristes de Casablanca le 16 mai 2003, le Royaume a mis en place une stratégie efficace, multidimensionnelle et holistique de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Cet effort a permis au Maroc de démanteler plus de 210 cellules terroristes depuis 2002, entre autres réalisations. [xvi]

Maroc, gendarme au service de la sécurité de l’Europe
Maroc, gendarme au service de la sécurité de l’Europe

Les meilleures pratiques réalisées par les services de sécurité marocains, ainsi que l’approche exceptionnelle du Royaume dans le domaine de la dé-radicalisation, soulignant l’engagement de longue date du Royaume avec les pays africains frères confrontés à la menace évolutive du terrorisme. [xvii]

L’approche du Maroc reflète une profonde croyance dans les capacités de l’Afrique à renverser la vapeur, comme l’a souligné Sa Majesté le Roi Mohammed VI devant le 29ème Sommet de l’Union africaine : ‘’J’ai toujours été fermement convaincu que l’Afrique peut transformer les défis auxquels elle est confrontée en véritables perspectives de développement et de stabilité.’’

Ces dernières années, le Maroc a développé une stratégie antiterroriste globale fondée sur l’état de droit, qui comprend des mesures de sécurité solides, une coopération régionale et internationale, et des politiques de lutte contre la radicalisation des terroristes. Pourtant, les combattants terroristes étrangers (foreign terrorist fighters -FTF-) qui ont fui leur pays pour rejoindre les rangs d’ISIL/Da’esh et d’autres groupes terroristes reviennent chez eux et constituent de graves menaces pour la sécurité surtout de l’Europe. Ainsi, la police marocaine a beaucoup aidé les pays de l’UE dans ce domaine devenant ainsi un soldat qui défend les intérêts d’une Europe, aujourd’hui totalement ingrate.

En outre, les développements nationaux et régionaux actuels et les menaces associées aux FTF et aux membres de leur famille ont été abordés, ainsi que les défis et les bonnes pratiques en matière de coopération internationale.  Des études de cas ont illustré la réussite de la coopération antiterroriste entre l’Espagne et le Maroc et leurs bonnes pratiques en matière de coopération dans les enquêtes terroristes. [xviii]

La Direction Générale de la Surveillance du Territoire (DGST) du Maroc a, en 2022, collaboré avec les autorités espagnoles pour arrêter en Espagne et en Autriche deux combattants terroristes étrangers soupçonnés d’être membres d’une organisation djihadiste mondiale.

Les deux combattants terroristes étrangers avaientt des liens avec une organisation terroriste mondiale tristement célèbre, avait déclaré le ministère espagnol de l’Intérieur, ajoutant qu’ils sont rentrés en Europe depuis la Syrie, en juin 2022, après avoir reçu une formation militaire et acquis une expérience du combat.

Le Maroc, grand acteur de la sécurité en Méditerranée

Au cours des dernières années, la sécurité et la lutte contre le terrorisme ont pris une importance croissante dans les politiques des pays de l’Union européenne concernant l’Afrique du Nord. Cette tendance reflète l’inquiétude croissante des Européens face à l’influence du groupe État islamique (ISIL) et d’autres organisations terroristes dans la région, au grand nombre de combattants étrangers originaires des pays d’Afrique du Nord qui ont rejoint les conflits dans cette région et au Moyen-Orient, et aux connexions nord-africaines des terroristes qui ont commis des attentats en Europe. Les pays européens ont tout à gagner à comprendre les menaces pour la sécurité qui émanent de l’Afrique du Nord, et à travailler avec les pays d’Afrique du Nord pour y faire face. [xix]

Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, le Maroc a fait ses preuves en matière d’expertise dans le domaine du renseignement humain et des signaux. Le Maroc opère en tant qu’état de sécurité strict et efficace, travaillant à travers un réseau étendu d’agents de sécurité et d’informateurs qui couvre la nation. La cartographie territoriale avancée des autorités sur l’ensemble du pays s’est avérée particulièrement efficace pour détecter les changements dans les habitudes des citoyens qui peuvent signaler leur radicalisation.

Les autorités marocaines utilisent diverses techniques de surveillance numérique préventive pour identifier et poursuivre les suspects, comme la surveillance des appels téléphoniques impliquant des personnes figurant sur des listes de surveillance et l’enregistrement des recherches suspectes sur Internet. Au total, les autorités marocaines utiliseraient 19 plateformes humaines et numériques pour surveiller la population, y compris sur le dark web.

La lutte contre la radicalisation reste le point fort du Maroc. Le fait que les services de sécurité aient déjoué un grand nombre de complots terroristes reflète leur capacité à détecter et à prévenir les attaques, mais il indique également à quel point de nombreux jeunes hommes et femmes restent sensibles aux messages extrémistes. Dans un schéma trop familier qui se répète dans le monde entier, le gouvernement met en avant les succès tactiques de ses opérations antiterroristes tout en minimisant les conditions sous-jacentes qui rendent ces opérations nécessaires.

Le Maroc est le ventre mou de l’Europe (Morocco is the soft belly of Europe), sa sécurité et sa sérénité sont les conditions sine que non de la stabilité et de la sécurité européennes. Si le Maroc met fin à sa politique de coopération dans les domaines de l’immigration et de la lutte contre le terrorisme, l’Europe sera inondé de millions d’immigrés clandestins et sera à la merci de terroristes de tout acabit.

Pour ce qui est du rôle prépondérant du Maroc dans la lutte contre le terrorisme, Maria del Pilar Rangel Rojas écrit dans Atalayar : [xx]

‘’…nous avons vu comment, ces dernières années, le Maroc a cherché à utiliser son leadership pour devenir une puissance majeure non seulement au Maghreb et en Afrique, mais aussi dans le bassin méditerranéen.  Et nous devons la remercier d’être la gardienne de l’Europe en matière de lutte contre le terrorisme djihadiste et de lutte contre l’immigration irrégulière, qui vient principalement du Sahel et qui est menée en échange de grandes quantités d’aides et de concessions, principalement de l’Union européenne et de l’Espagne. ‘’

Et elle continue par dire que :

‘’D’autre part, nous avons vu comment, ces dernières années, le Maroc a cherché à utiliser son leadership pour devenir une puissance majeure non seulement au Maghreb et en Afrique, mais aussi dans le bassin méditerranéen.  Et nous devons la remercier d’être la gardienne de l’Europe en matière de lutte contre le terrorisme djihadiste et de lutte contre l’immigration irrégulière, qui vient principalement du Sahel et qui est menée en échange de grandes quantités d’aides et de concessions, principalement de l’Union européenne et de l’Espagne.’’ 

La pomme de discorde

Le 19 janvier 2023, le Parlement européen a adopté, pour la première fois en vingt-cinq ans, une résolution appelant le Maroc à respecter la liberté des médias et à libérer tous les prisonniers politiques et les journalistes emprisonnés. Cette résolution visait à interférer avec le système juridique marocain, dépeint comme manquant de transparence et irrespectueux de l’État de droit (sic).

Maroc-Europe : relations tendues
Maroc-Europe : relations tendues

Selon de nombreux observateurs indépendants, l’adoption de cette résolution n’était rien d’autre qu’un chantage insipide utilisé par certains membres influents des institutions européennes pour mater la résistance d’un pays qui a de plus en plus signalé qu’il en avait assez de les laisser obtenir tout ce dont ils ont besoin sans même froncer les sourcils.

Pour mémoire, cette pratique n’est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c’est que des segments de la société marocaine, y compris des personnes qui ont toujours cru aux valeurs occidentales de la démocratie et des droits de l’homme, ont rejeté la résolution. Même si les gens concèdent que le processus démocratique au Maroc doit s’accélérer, ils partagent l’opinion que des progrès notables ont été réalisés au cours des trois dernières décennies. Ils estiment que les arguments avancés pour soutenir la résolution du Parlement européen sont disproportionnés, hypocrites et absurdes.

En fait, le Maroc est visé parce qu’il étend son influence économique et commerciale en Afrique sub-saharienne, tout en capitalisant sur des liens culturels et spirituels séculaires. Le Maroc est classé comme le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest et le deuxième en Afrique.

Le pays est ainsi reconnu pour avoir initié, depuis 2009, les États africains de l’Atlantique, un projet visant à rassembler 23 pays et à promouvoir la coopération interétatique et la prospérité partagée. Tout cela a entraîné un changement dans l’équilibre des forces au sein du sous-système africain et dans ses relations avec les autres systèmes régionaux, principalement l’Union européenne.

En 2020, un rapport commandé par l’Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité a fait l’objet d’une fuite en Allemagne. Il mettait en garde le gouvernement contre la nécessité d’empêcher le Maroc d’étendre son avance sur l’Algérie et la Tunisie voisines dans plusieurs domaines, principalement économiques. Un autre rapport indiquait qu’il serait préférable pour l’Europe d’éviter de commettre la même erreur que par le passé à l’égard de la Turquie et qu’il serait sage de ne pas avoir une autre Turquie en Afrique du Nord qui pourrait mettre en péril les intérêts géostratégiques européens.

En France, un rapport ayant fait l’objet d’une fuite – certains observateurs pensent qu’il s’agit d’une tromperie visant à intimider le Maroc – a conseillé au président français de se ranger du côté de l’Algérie, qui utilise la saga de la rente mémorielle pour gagner du terrain. Ce serait mieux que de profiter au Maroc, qui a clairement fait savoir que les pays étrangers devraient montrer leur soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale du pays s’ils sont réellement disposés à faire des affaires avec lui.

Lorsque l’on creuse en profondeur et que l’on examine l’histoire d’un point de vue politique, diplomatique et géopolitique, il est clair que ce à quoi nous avons affaire dans les relations Maroc-Europe est un changement de paradigmes.

Pendant bien trop longtemps, les relations entre certains pays européens et leurs anciennes colonies ont été basées sur ce que l’on appelle le « système de relations féodales contraignantes. » Cela signifie que les relations ont longtemps été fondées sur l’interdiction pour les anciennes colonies ou protectorats de prendre des décisions sur des questions telles que l’économie, la sécurité, la politique et la diplomatie sans en référer à l’ancienne puissance coloniale.

Ce système féodal contraignant a également nourri ce que J. Roseneau appelle la « politique de liaison », qui est la corrélation entre le système interne et la politique étrangère des acteurs étatiques. Ce concept s’avère particulièrement précis lorsqu’il est appliqué aux pays en développement. Elle peut être utilisée pour comprendre le comportement de la politique étrangère de certains pays d’Afrique du Nord, tels que le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Mauritanie.

Quelles sont les relations entre l’Espagne et le Maroc ?

Le Maroc et l’Espagne entretiennent d’importantes relations diplomatiques, commerciales et militaires. La politique étrangère du Maroc s’est concentrée sur les partenaires occidentaux, dont principalement l’Espagne voisine. Cependant, ces relations ont été historiquement intenses et conflictuelles.

Le Maroc est, pour de nombreuses raisons, une priorité pour la politique étrangère espagnole. Malgré cela, depuis la transition, il n’y a pas eu de politique d’État explicite – avec des objectifs définis et un consensus de base sur les ressources, les approches et les mesures – pour guider la politique de l’Espagne envers son voisin du sud. L’Espagne et le Maroc sont beaucoup plus proches qu’il n’y paraît, mais beaucoup plus éloignés que souhaitable.

Réunion de haut niveau : Maroc-Espagne février 2023
Réunion de haut niveau : Maroc-Espagne février 2023

Deux caractéristiques qui ont traditionnellement caractérisé les relations entre l’Espagne et le Maroc sont leur complexité et leurs fréquents hauts et bas. La proximité géographique, ajoutée à la présence d’une importante communauté marocaine en Espagne (plus de 800 000 personnes), le différentiel de revenu par habitant (30 090 euros contre 3 930 euros en 2021, selon le FMI) et les différences politiques, démographiques et culturelles, constituent un terrain fertile pour les divergences et les frictions. Cependant, ces mêmes réalités font qu’il existe aussi des raisons de coopérer davantage et de rechercher des formules de complémentarité bénéfiques aux deux sociétés, surtout lorsque de multiples crises économiques, sociales et politiques se chevauchent de part et d’autre du détroit de Gibraltar.

L’Espagne est le seul pays européen à avoir une présence territoriale en Afrique du Nord et, par conséquent, à avoir une frontière terrestre avec le Maroc. Par conséquent, les relations entre les deux pays sont très importantes non seulement au niveau national mais aussi dans le cadre européen. Elles sont marquées par l’existence de conflits cycliques, par la rivalité entre le Maroc et l’Algérie pour l’hégémonie régionale et par l’habileté de la France et de l’Espagne à exercer leur influence au Maghreb.

De nombreuses questions affectant les relations avec le Maroc font partie de la politique nationale espagnole, en plus des questions relevant de l’Office International (immigration, Sahara Occidental, possessions espagnoles en Afrique du Nord, menace terroriste et trafic de drogue, entre autres).

L’Espagne a consacré un grand effort diplomatique à ses relations avec le Maroc. Cependant, au cours des dernières années, les relations hispano-marocaines ont suivi un patronage amour-haine qui a donné comme résultat un mouvement allant de manifestations d’amitié et de bon voisinage à des situations de forte tension. Cependant, ces signes d’amitié – représentés, surtout, entre les anciens rois Juan Carlos I et Hassan II – ont considérablement diminué, étant remplacés par des actions de rupture comme l’accueil de Brahim Ghali, suivi de la crise migratoire de Ceuta, de la question du Sahara et de sa crise politique, de la crise énergétique et de la crise militaire.

Toutefois, l’Espagne se rendant compte de l’importance du Maroc pour sa sécurité territoriale et son essor économique a dernièrement changé son attitude vis-à-vis du Maroc. Elle a reconnu la marocanité du Sahara, une reconnaissance qui vaut son poids d’or vu qu’elle était la puissance coloniale qui administrait ce territoire depuis la Conférence de Berline qui a autorisée le partage de l’Afrique par les puissances européennes en 1880 : Scramble for Africa. Le Maroc et l’Espagne on depuis cette reconnaissance des relations modèles et un partenariat win-win bénéfique pour les deux grandes nations sachant que l’Espagne est le premier investisseur communautaire au Maroc. Ces relations cordiales et amicales, peuvent, sans aucun doute, servir d’exemple pour le reste de l’Europe, à l’avenir.

Pour l’agence de presse MAP, les relations maroco-espagnoles sont de grande importance pour les deux pays et toutes les régions limitrophes : [xxi]

‘’L’appel de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, dans le Discours royal prononcé à l’occasion du 69-ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, le 20 août 2022, à inaugurer une étape inédite dans les relations entre les deux royaumes, a donné une nouvelle impulsion pour l’établissement d’un partenariat multidimensionnel qui repose sur la confiance, le dialogue permanent, le respect mutuel et des engagements.

Dans cet esprit, les deux pays œuvrent de concert, depuis la visite effectuée par le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, au Maroc en avril dernier, sur invitation de SM le Roi, en vue de renforcer ces relations stratégiques et de défendre leurs intérêts communs.

La ferme volonté de Rabat et Madrid a permis d’insuffler une dynamique plus globale, solide et complémentaire à leur relation bilatérale, et d’établir une relation exemplaire en vue de relever conjointement les défis actuels et de garantir un avenir prospère digne des deux peuples amis et voisins.

Cette aspiration commune pour consolider leur partenariat s’est concrétisée à travers l’élaboration d’une feuille de route renouvelée et durable, reposant sur des bases plus solides selon lesquelles l’Espagne considère le plan marocain d’autonomie pour le Sahara marocain, présenté par le Royaume en 2007, comme « la base la plus sérieuse, la plus réaliste et la plus crédible pour régler le différend ».

Les deux pays se sont engagés, sur cette base, à traiter les différentes questions d’intérêt commun dans un esprit de confiance et de concertation, tout en activant les groupes de travail crées entre les deux pays en vue de relancer la coopération bilatérale multisectorielle et de promouvoir les relations entre deux pays voisins jouant un rôle stratégique en matière de contrôle des flux migratoires, des relations économiques et commerciales et de la lutte contre le terrorisme.’’

Le partenariat entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc

Le partenariat entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc est historique. Soutenue par de nombreux accords politiques et économiques, cette relation s’est avérée très bénéfique pour les deux parties. Cependant, elle n’a jamais été facile.

Les relations entre l’UE et le Maroc se sont intensifiées après le lancement du partenariat euro-méditerranéen – également connu sous le nom de processus de Barcelone – par lequel les États membres et les partenaires méditerranéens visaient à établir une région caractérisée par la sécurité, la paix et la prospérité partagée, dans l’ensemble du bassin méditerranéen. Sur les 12 États non-européens qui faisaient partie de ce partenariat, le Maroc était de loin le plus grand bénéficiaire. En plus de cela, avec la mise en œuvre de la politique européenne de voisinage, le Maroc a réussi à améliorer encore plus sa situation et à conserver sa place de partenaire de l’UE le plus avancé dans le voisinage sud. [xxii]

Dans la préface du document intitulé : Partenariat de voisinage entre le Royaume du Maroc et le Conseil de l’Europe 2022-2025 Feuille de route commune du mois de mai 2022, le Conseil de l’Europe détaille ce partenariat comme suit : [xxiii]

‘’Développé conjointement entre les autorités marocaines et le Conseil de l’Europe, le Partenariat de voisinage avec le Maroc constitue le cadre stratégique dans lequel s’inscrivent le dialogue politique et la coopération technique conduits de commun accord, pour la période 2022-2025. Ce partenariat vient en appui aux réformes volontaires engagées par le Maroc, visant la consolidation de la démocratie, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance ainsi que la construction d’un modèle social basé sur la solidarité et la cohésion. S’inspirant des conventions, autres normes et outils développés par le Conseil de l’Europe depuis sa création en 1949, la coopération entre les deux parties est basée également sur la Constitution marocaine, adoptée le 1 juillet 2011, par voie référendaire, qui vient consolider les choix de modernisation du Maroc. Elle se fondera aussi sur les conclusions du Nouveau Modèle de Développement, dont l’objectif est de « libérer les énergies et restaurer la confiance pour accélérer la marche vers le progrès et la prospérité pour tous ». Depuis 2012, le partenariat entre le Maroc et le Conseil de l’Europe, soutenu par un dialogue politique régulier de haut niveau entre le Conseil de l’Europe et les autorités du Maroc, a été continuellement approfondi et élargi. En témoignent le statut de « partenaire pour la démocratie » auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, accordé au Parlement marocain en 2011, et le statut de « partenaire pour la démocratie locale » octroyé par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe en avril 2019, qui offrent des cadres de dialogue politique et de collaboration supplémentaires.’’

Non seulement l’UE est essentielle pour les intérêts marocains, mais les États membres le sont aussi. La France et l’Espagne sont, aux côtés de l’Union dans son ensemble, les principaux partenaires économiques du Maroc. Néanmoins, l’UE bénéficie également de ce partenariat car le Maroc est devenu fondamental dans des domaines essentiels pour l’Union, tels que la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, le contrôle des migrations, tout en représentant également la principale entrée dans l’arène nord-africaine. [xxiv]

Malgré les avantages mutuels, la relation entre les deux parties a toujours été cahoteuse, avec de nombreux points de conflit potentiel. Le Maroc n’a jamais été entièrement satisfait des conditions fixées par l’UE dans les nombreux accords commerciaux. En tant que non-membre de l’Union, des restrictions ont été imposées aux exportations du Maroc vers l’UE et, même si le pays d’Afrique du Nord n’était pas en mesure de rejeter les conditions établies par Bruxelles, il ne l’a pas fait de son plein gré. [xxv]

Ces dernières années, le Maroc a commencé à utiliser son influence croissante sur la sécurité et la migration pour exiger de meilleurs accords et une plus grande coopération économique, entre autres choses, tout en adoptant un ton défiant à l’égard de tout ce qui est perçu comme une possible ingérence politique. Un exemple clair de cette relation conflictuelle peut être noté dans la crise des migrants qui a eu lieu en mai dernier, lorsque près de 6 000 personnes ont traversé en Espagne par la frontière marocaine non surveillée en raison d’un différend entre les deux pays.

La raison de ces querelles semble difficile à saisir. Pourquoi, malgré les avantages évidents, les deux parties ne parviennent-elles pas à établir et à maintenir une relation harmonieuse ? Plusieurs raisons peuvent aider à la compréhension de ce phénomène.

Tout d’abord, la nature déséquilibrée du partenariat lui-même. Comme mentionné, l’UE est le principal partenaire économique du Maroc et, jusqu’à récemment, l’un de ses plus proches alliés politiques ; en effet, pour un pays africain, le Maroc est plus proche de ses partenaires occidentaux que de ses voisins de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) et du reste de l’Afrique. Il est évident, cependant, qu’il n’en va pas de même pour l’UE. Malgré son intérêt pour le voisinage sud, les plans développés pour la région ont toujours été d’une ambition limitée. Comme cette situation se traduit par le fait que le Maroc n’a aucun levier économique, cela a rendu le pays disposé à poursuivre d’autres moyens pour essayer de plier l’UE à sa volonté.

Point de vue américain sur les attaques du Parlement européen

Le Royaume du Maroc subit actuellement une attaque systématique du Parlement européen, souligne l’ancien membre du Congrès Michael Flanagan dans une analyse publiée par le magazine américain Newslooks, notant que ces attaques vont au-delà de l’engagement politique et diplomatique ordinaire entre les États et les institutions.

« Ces attaques équivalent à une ingérence directe dans les affaires intérieures des États souverains« , souligne Michael Flanagan, notant qu’ »il y a un agenda caché » derrière ces attaques. « Il ne fait aucun doute que les plans de développement économique ainsi que les programmes de développement des droits de l’homme que le roi Mohammed VI a parrainés depuis son adhésion ont suscité l’inquiétude de certains pays européens et leurs ambitions mesquines« , dit-il, ajoutant que « la sortie du Maroc de la position de dépendance vis-à-vis des États de l’UE n’est pas fermement dans l’intérêt de l’Europe en général et de la France en particulier« .

« Grâce à ses politiques économiques, sa stabilité sociale et politique et sa coexistence religieuse unique, le Maroc est devenu très attractif pour les marchés mondiaux« , souligne l’expert en relations internationales, ajoutant que « la domination européenne sur les marchés marocains a pris fin et l’UE (avec la France en particulier) se défend avec des revendications fallacieuses au Parlement européen« .

Flanagan rappelle que lors d’une session consacrée à la discussion des « attaques scandaleuses et répétées » du Parlement européen contre le Maroc, le président de la Chambre des représentants marocaine a accusé les actions contre le Maroc de certains partis au Parlement européen de constituer une ingérence dans les affaires intérieures du Maroc.

« Le gaz algérien est dans l’esprit des États membres de l’UE maintenant« , déclare l’ancien membre du Congrès, ajoutant que « le prix élevé de l’énergie et la ruée des marchés européens vers l’Algérie en remplacement des contrats perdus dans la guerre d’Ukraine rend claire la posture actuelle de l’UE pour ne pas offenser l’Algérie en aucune façon. » « Le Maroc doit être calomnié pour satisfaire ses fournisseurs de gaz algériens« , explique-t-il.

« De même, l’Europe a un intérêt de longue date à entraver la croissance marocaine sur les marchés mondiaux au-delà des marchés régionaux (c’est-à-dire capturés par l’Europe)« , souligne Flanagan. « À ces fins, l’UE déforme négativement l’image du pays afin de le maintenir sous le parapluie européen en tant que marché de consommation. »

« Désormais alignée sur les intérêts de l’UE, la main de l’Algérie dans cette affaire est évidente« , souligne l’ancien membre du Congrès. « Pour pousser son agenda concernant le Polisario et alimenter leurs ambitions expansionnistes de longue date en Afrique, l’Algérie enrôle l’UE pour porter des accusations sans fondement contre le Maroc« , souligne-t-il.

« En clair, c’est du gaz algérien en échange de l’hostilité envers le Maroc. De plus, les Français, qui n’apprécient pas que le Maroc s’éloigne de la France et se rapproche des États-Unis, ne sont pas des partenaires réticents dans cette entreprise« , ajoute-t-il.

« Le Royaume du Maroc paie aujourd’hui le prix de ses choix stratégiques et de ses relations équilibrées depuis des décennies avec Israël et l’Autorité palestinienne« , affirme l’expert en relations internationales, notant que le Royaume « paie un lourd tribut dans les cercles de l’UE, notamment parce qu’il soutient les États-Unis au détriment de son ancien colonisateur« .

« Il est préférable pour nous aujourd’hui de prendre la responsabilité de prouver à nos amis marocains que nous apprécions leurs choix et leurs sacrifices. Nous devons considérer qu’une attaque diplomatique contre le Maroc est une attaque contre la relation États-Unis/Maroc et notre intérêt stratégique commun en Afrique du Nord et au Moyen-Orient« , souligne M. Flanagan.

Conclusion                                                                              

La situation géographique du Maroc, au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient, l’expose à des menaces transnationales, notamment l’immigration illégale et le trafic d’êtres humains et de stupéfiants.  Dans le cadre de ses accords de sécurité douanière et portuaire avec les États-Unis et d’autres pays, le Maroc s’est engagé à mettre en œuvre des améliorations majeures et à maintenir des normes de sécurité strictes dans ses aéroports, ses ports maritimes et ses passages frontaliers. Il fournit des protections de sécurité similaires à certaines installations gouvernementales. [xxvi]

Rabat a de nombreux griefs légitimes concernant les coûts et les exigences liés au rôle de gendarme de l’UE. Les relations entre l’Union et le Maroc continueront sans doute à être compliquées, et l’issue dépendra des positions que les pays prendront dans les mois à venir.

Toutefois, il faut dire que l’Europe veut le beurre et l’argent du beurre, dans le sens qu’elle veut le Maroc comme gendarme et gardien docile de ses frontières qu’elle a externalisée sur ce pays mais elle veut aussi le gaz algérien au vu des difficultés de s’approvisionner de gaz russe depuis le début de la guerre en Ukraine. Donc pour plaire au régime algérien, ennemi juré du Maroc, on condamne le Maroc.

La résolution du Parlement européen, d’après Abdellah Saaf, fait du Maroc qui était hier, dans les yeux de l’Europe, un pays gentil et tolérant, tout d’un coup, ‘’un pays voyou’’ : [xxvii]

‘’On sait que le Parlement européen n’est pas une instance de décision, que ses fonctions sont avant tout tribuniciennes, que le processus de décision effectif se situe ailleurs, mais, de manière soudaine et brutale, sa « résolution » fait voir que l’hypothétique intimité maroco-européenne, que nombre d’analystes percevaient comme réelle et bien tissée, s’est comme rompue, voire volatilisée. Il ne restait plus de gentil royaume, modéré, tolérant, vu hier encore comme pays ami et proche, apprécié pour ses réformes, un bon élève dans la réalisation de ses réformes, un État pouvant faire partie du groupe des nations les plus civilisées de l’humanité. Sous la plume des députés européens, méfiance, hostilité et animosité sont montées de plusieurs crans. La Résolution installe une distance par rapport au royaume en insistant sur ce qu’elle perçoit comme un comportement indécent, hors la loi et inhumain. Elle n’hésite pas pour l’occasion d’en faire presqu’une sorte d’État voyou.’’

L’Europe a intérêt à cesser à se comporter en maitre colonial et en donneur de leçons et à respecter le Maroc et les Marocains pour assurer la longévité, tant voulue, d’une coopération gagnant-gagnant et tous-azimuts. La condescende et l’hypocrisie européennes n’ont pas de place dans les relations d’égal à égal. [xxviii] Salut à bon entendeur.

Notes de fin de texte :[i] Amsili, Sophie. ‘’A couteux tirés’’, Les Echos, 24 janvier 2023. https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/le-parlement-europeen-et-le-maroc-a-couteaux-tires-1900161[ii] Le Maroc et l’europe ‘six siècles dans le regard de l’autre’. Paris : Somogy éditions d’Art, 2010.

Synopsis : Diplomates, voyageurs, artistes peintres, écrivains, artisans et populations participent depuis l’Antiquité au déploiement des contacts commerciaux et diplomatiques et aux interactions socioculturelles entre le Maroc et l’Europe. Cet ouvrage, richement documenté – reproductions de manuscrits anciens, cartes géographiques, gravures, récits de voyage illustrés, photographies contemporaines – révèle la fascination mutuelle que se vouent le Maroc et l’Occident depuis plus de six siècles et explore une histoire singulière qui fait du Maroc le pays du Maghreb le plus proche de l’Europe à ce jour.[iii] Maria Callejon, Maria & Gemma Garcia. ‘’ Effets commerciaux de l’établissement d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Maroc’’, 1995. http://www.ub.edu/graap/pdfcallejon/UE-MAROC.pdf[iv] Vallelersundi, Ana Palacio. “The Barcelona Process: A Euro-Mediterranean North-South Partnership.” Georgetown Journal of International Affairs, vol. 5, no. 1, 2004, pp. 145–51. JSTORhttp://www.jstor.org/stable/43133605[v] https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/170/la-politique-europeenne-de-voisinage

La politique européenne de voisinage (PEV) s’applique à l’Algérie, à l’Arménie, à l’Azerbaïdjan, à la Biélorussie, à l’Égypte, à la Géorgie, à Israël, à la Jordanie, au Liban, à la Libye, à la Moldavie, au Maroc, à la Palestine, à la Syrie, à la Tunisie et à l’Ukraine. Elle a pour but de renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous et s’appuie sur les valeurs qui sont celles de la démocratie, de l’état de droit et du respect des Droits de l’homme. C’est une politique bilatérale entre l’Union et chaque pays partenaire, qui s’accompagne d’initiatives de coopération régionale: le partenariat oriental et l’Union pour la Méditerranée.[vi] Beurdeley, L., « Un renforcement inédit des relations bilatérales Maroc/UE : l’octroi du statut de partenaire avancé », Revue du marché commun et de l’Union Européenne, n° 544, 2011, pp. 57-71[vii] Belfellah, Younes. ‘’ Le statut avancé Maroc-UE : bilan, enjeux et perspectives’’, CAREP-Paris, 28 novembre 2018. https://www.carep-paris.org/wp-content/uploads/2019/05/Statut-avance%CC%81e-Maroc-UE-Younes-Belfellah_long_maquette.pdf[viii] Ibid.[ix] Europa. ‘’Accord de pêche entre l’Union et le Maroc’’, février 2019. https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2019/633172/EPRS_ATA(2019)633172_FR.pdf[x] EEAS. ‘’L’Union Européenne et le Maroc’’, Équipe de presse et information de la Délégation de l’UE au Royaume du Maroc, 03 août 2021. https://www.eeas.europa.eu/maroc/lunion-europeenne-et-le-maroc_fr?s=204#:~:text=de%20l’UE.,Le%20Maroc%20est%20le%20premier%20partenaire%20commercial%20de%20l’UE,milliards%20d’euros%20en%202020.[xi] Ahouga, Y., & Kunz, R. « « Gendarme de l’Europe » ou « chef de file » ? Le Maroc dans le dispositif régulateur des migrations euro-méditerranéennes », Critique internationale, n° 74, jan. 2017, pp. 95-115.[xii] Ahouga, Younès & Rahel Kunz. « GENDARME DE L’EUROPE » OU « CHEF DE FILE » ? LE MAROC DANS LE DISPOSITIF RÉGULATEUR DES MIGRATIONS EUROMÉDITERRANÉENNES, Presses de Sciences Po, « Critique internationale » 2017/1 N° 74, pp. 95-115. file:///C:/Users/hp/Downloads/CRII_074_0095.pdf[xiii] Ibid.[xiv] El Qadim, N. « La politique migratoire européenne vue du Maroc : contraintes et opportunités », Politique européenne, n°31, fév. 2010, pp. 91-118.[xv] Belguendouz, Abdelkrim. Le Maroc non-Africain gendarme de l’Europe? : alert au projet de loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration et l’immigration.  Rabat : Imprimerie Beni Snassen, 2003.[xvi] Real, B., « La coopération en matière de sécurité entre le Maroc et l’Europe : l’Union Européenne est-elle incontournable ? » Paix et sécurité internationales : Journal of International Law and International Relations, n°6, jan.-déc. 2018, pp. 109-130.[xvii] Conseil de l’Europe. Partenariat de voisinage entre le Royaume du Maroc et le Conseil de l’Europe 2022-2025 Feuille de route commune, mai 2022. https://rm.coe.int/partenariat-de-voisinage-avec-le-maroc-2022-2025-fr/1680a80cab[xviii] Wattelle, Tancrède. « Dans quelle mesure le Maroc a-t-il les moyens de ses ambitions régionales ? », Revue Défense Nationale, vol. 778, no. 3, 2015, pp. 93-98. https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2015-3-page-93.htm[xix] Chtatou, Mohamed. ‘’Some of the Challenges Facing the Mediterranean Region’’, Eurasia Review, 20 juillet 2022. https://www.eurasiareview.com/20072022-some-of-the-main-challenges-facing-the-mediterranean-region-analysis/[xx] Rangel Rojas, Maria del Pilar. ‘’Le Maroc et l’Algérie : des acteurs clés au Sahel’’, Atalayar, 9 février 2023. https://atalayar.com/fr/blog/le-maroc-et-lalgerie-des-acteurs-cles-au-sahel[xxi] El Hassani, Houssein. ‘’Maroc-Espagne : une volonté commune pour un partenariat multidimensionnel’’, MAP, 31 janvier 2023. https://www.mapnews.ma/fr/actualites/politique/maroc-espagne-une-volont%C3%A9-commune-pour-un-partenariat-multidimensionnel[xxii] Conseil de l’Europe. Partenariat de voisinage entre le Royaume du Maroc et le Conseil de l’Europe 2022-2025 Feuille de route commune, mai 2022. https://rm.coe.int/partenariat-de-voisinage-avec-le-maroc-2022-2025-fr/1680a80cab[xxiii] Ibid., p. 3.[xxiv] Mekaoui, Adam. Le partenariat économique et financier entre l’Union européenne et le royaume du Maroc : aspects juridiques et institutionnels. Thèse de doctorat en Droit public, soutenue en 1999 à Paris 1 sous la direction de Dominique Carreau.[xxv] Ammar, Mohamed. ‘’Aperçu sur le plan d’action mettant en œuvre le statut avancé dans les relations UE-Maroc (Le PASA)’’, HAL Id : hal-01276930, 2016. https://hal.science/hal-01276930

Résumé :  Le statut avancé est intervenu afin de permettre au partenariat UE-Maroc d’aller au-delà de la simple association, et de différencier le Maroc par rapport aux autres partenaires de l’UE, il fixe des repères dans la progressivité des relations entre l’UE et le Maroc, ce n’est pas une promesse d’une adhésion mais une dynamique bénéfique dans lequel chacun des partenaires serait gagnants. Ce nouveau lien contractuel va se matérialiser par un nouveau plan d’action mettant en œuvre le statut avancé (PASA) qui va constituer la feuille de route de la coopération des deux partenaires pour la période 2013-2017.[xxvi] Lannon, E. ; de Macedo, J. B ; & de Vasconcelos, A. « Maroc-UE : Vers un statut avancé dans le cadre du PEM et de la PEV », Papiers IEMed, nov. 2017. https://www.iemed.org/observatori-en/arees-danalisi/arxiusadjunts/papersiemed/paperiemed2.pdf[xxvii] Saaf, Abdellah. ‘’La Résolution du Parlement européen et la crise maroco-espagnole’’, Policy Center for the New South, 27 janvier 2023. https://www.policycenter.ma/publications/la-resolution-du-parlement-europeen-et-la-crise-maroco-espagnole[xxviii] Martín, I. « Penser l’Euro-méditerranée autrement », Confluences Méditerranée, n°74, mars 2010, pp. 169-182.


Dr. Mohamed Chtatou

Professeur universitaire et analyste politique international

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