L’Afrique et les défis de l’unité et du développement
Le renforcement de l’unité africaine
Le renforcement de l’unité africaine a longtemps été un objectif recherché qui n’a jamais été atteint. Alors que la nécessité d’une intégration régionale et les raisons des échecs passés sont mieux comprises, de nouveaux efforts sont déployés pour renforcer les liens économiques et politiques entre les nombreux pays du continent.
Les principaux défis à relever pour parvenir à l’intégration consistent à développer le commerce entre les pays africains, à construire davantage de routes et d’autres infrastructures, à réformer les institutions régionales, à accroître la transparence et la participation publique et à coordonner plus étroitement les initiatives des secteurs privé et public.
L’intégration présente de nombreux avantages. L’expansion des marchés régionaux offre aux producteurs et aux consommateurs africains davantage d’opportunités, bien au-delà des marchés parfois restreints de leur propre pays. L’intégration économique régionale a deux vertus :
– Elle peut réduire les coûts de construction d’infrastructures essentielles, telles que les transports, les communications, l’énergie, les systèmes d’approvisionnement en eau et la recherche scientifique et technologique, qu’un pays ne peut souvent pas financer seul ; et
– Dans le même temps, l’intégration facilite les investissements à grande échelle en rendant les économies africaines plus attractives et en réduisant les risques.
Le désir d’intégration ne vient pas seulement du sommet. À de nombreux niveaux de la société, les Africains s’efforcent de tisser davantage de liens les uns avec les autres. Pour certains, ces relations existent déjà. Pour d’autres, ils doivent encore être forgés.
L’intégration régionale du continent a été le rêve de nombreux dirigeants africains et a conduit à la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1963. Au fil des ans, de nombreuses autres institutions ont été créées dans différentes parties de l’Afrique. Mais dans l’ensemble, ils ont peu fait pour accroître le commerce ou d’autres échanges entre les pays africains. Dans de nombreux cas, de nombreux pays continuent d’avoir les relations les plus étendues avec leurs anciennes puissances coloniales.
Le bilan de l’intégration régionale en Afrique est jusqu’à présent médiocre, et de nombreuses alliances régionales se caractérisent par des initiatives non coordonnées, des conflits politiques et peu de commerce intra-régional. Cependant, les analystes notent que certains des facteurs externes et internes qui ont entravé l’intégration de l’Afrique dans le passé se sont quelque peu atténués ces dernières années, et il y a donc lieu d’être prudent avec un optimisme.
Les Africains ont également appris de l’échec de leurs initiatives précédentes. De nombreux défenseurs de l’intégration adoptent désormais une approche moins ambitieuse et plus pratique. Selon eux, l’Afrique doit s’unir non seulement pour renforcer sa présence sur la scène mondiale, mais aussi pour répondre aux besoins concrets de son peuple.
Face aux obstacles aux efforts d’intégration régionale en Afrique, les partisans d’une plus grande unité ont identifié plusieurs conditions à remplir :
- Une implication plus active des associations de la société civile, des groupements professionnels, des gestionnaires et d’autres secteurs dans tout programme d’intégration ;
- Atteindre un équilibre entre les initiatives économiques des secteurs public et privé ;
- Concilier les intérêts parfois contradictoires de pays de tailles, de ressources naturelles et de performances économiques différentes ;
- Procéder à l’intégration à un rythme à la fois ambitieux et réaliste ; et
- Rationalisation des nombreuses institutions régionales africaines pour réduire la duplication des efforts et l’inefficacité.
Intégration
Les crises économiques qui ont frappé une grande partie de l’Afrique à la fin des années 1970 et au début des années 1980 ont sapé les efforts d’intégration. Ils ont également fourni l’occasion aux pays donateurs et aux institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) d’appeler à une réforme majeure de la politique économique. Les programmes d’ajustement structurel que les pays africains ont alors adoptés sous la pression ont conduit à la privatisation de centaines d’entreprises publiques, à une libéralisation généralisée du commerce intérieur et international et à une contraction significative des secteurs publics africains.
Comme dans d’autres régions du monde, l’intégration régionale est principalement limitée par la grande diversité des pays africains, qui diffèrent par leur taille, leurs ressources naturelles, leur niveau de développement et leurs liens avec les marchés mondiaux.
En 1880, la Conférence de Berlin autorise et légitime « l’assaut contre l’Afrique », pour ne pas dire son viol, connu sous le nom de Scramble for Africa sous prétexte d’apporter » la lumière de la civilisation aux sauvages d’Afrique (sic) », qui n’était, en fait, rien d’autre que de donner la permission aux puissances européennes de tout voler et, ce faisant, de détruire les cultures artisanales traditionnelles et de les remplacer par la civilisation extraterrestre européenne.
Aujourd’hui, aussi bien l’Occident : les USA et l’Europe, que son homologue de l’Est : la Chine et la Russie ont un regard avide sur l’Afrique sous prétexte d’aider à développer l’économie de cette partie du monde, mais, en réalité, ce n’est qu’une autre manifestation de la ruée vers l’Afrique. Ces puissances s’intéressent aux minerais et aux terres rares qui se trouvent dans ce continent.
Oui, l’Afrique est riche en terres rares et en minéraux très recherchés pour de nombreuses industries, notamment l’électronique, les énergies renouvelables et la défense. En conséquence, de nombreuses grandes puissances, dont la Chine, les États-Unis et la Russie, souhaitent sécuriser l’accès à ces ressources.
Cependant, il est important de noter que si la présence de ressources précieuses peut être une source d’opportunités économiques, elle peut également conduire à l’exploitation, à la corruption et à l’instabilité politique. Il est essentiel que les nations africaines aient la capacité de gérer leurs ressources de manière durable et équitable, de veiller à ce que les bénéfices de ces ressources soient partagés par tous les citoyens et que leur extraction ne se fasse pas au détriment de l’environnement ou des droits de l’homme.
Comment l’Afrique peut-elle se développer loin de la cupidité de certains pays développés ? Il n’y a pas de réponse facile à cette question, car il s’agit d’un problème complexe qui implique de nombreux facteurs différents. Cependant, l’Afrique peut prendre certaines mesures pour promouvoir le développement durable et réduire l’influence des pays développés :
– Promouvoir la bonne gouvernance : Les nations africaines doivent s’efforcer d’établir des systèmes de gouvernance transparents et responsables qui promeuvent l’état de droit, protègent les droits de l’homme et combattent la corruption.
– Investir dans l’éducation et le capital humain : Développer les compétences et les connaissances des Africains est crucial pour construire un avenir durable et prospère pour le continent. Investir dans l’éducation, les soins de santé et d’autres services sociaux peut contribuer à constituer une main-d’œuvre solide et en bonne santé.
– Soutenir les industries locales : Les nations africaines peuvent promouvoir le développement économique en investissant dans les industries locales, plutôt que de compter uniquement sur les exportations de matières premières. Cela peut créer des emplois, générer des revenus et promouvoir une croissance durable.
– Favoriser l’intégration régionale : les nations africaines peuvent travailler ensemble pour promouvoir l’intégration régionale et réduire la dépendance vis-à-vis des acteurs extérieurs. Cela peut impliquer l’élaboration de politiques commerciales communes, l’investissement dans les infrastructures régionales et la promotion de la coopération sur des questions d’intérêt mutuel.
– Encourager les investissements étrangers aux conditions africaines : Les nations africaines devraient s’efforcer d’attirer les investissements étrangers à leurs propres conditions, en négociant des accords justes et équitables qui profitent à la fois à l’investisseur et au pays hôte. Cela peut contribuer à promouvoir le développement économique et à réduire la dépendance vis-à-vis de l’aide.
Compte tenu de ses ressources abondantes, de sa jeunesse ambitieuse, de sa société dynamique et de son potentiel géostratégique, l’Afrique doit parvenir à la fois à l’unité et à la pleine intégration pour faire face à l’immense cupidité du monde développé et défendre au mieux ses intérêts.
Le déclin de la France
Depuis une vingtaine d’années, la France a vu son importance économique avec l’Afrique se réduire fortement ; c’est particulièrement vrai pour l’Afrique francophone, pourtant partenaire historique du capitalisme français.
En vingt ans, la France a perdu près de la moitié de sa part de marché en Afrique par rapport à ses concurrents, passant de 12% à 7%. « Les exportations françaises ont doublé sur un marché qui a quadruplé, d’où une division par deux de notre part de marché », indique l’ancien ministre Hervé Gaymard dans un rapport rendu en 2019.
Aujourd’hui, on est loin de l’image du domaine réservé, le déclin français étant encore plus marqué en Afrique francophone. Non seulement la France perd des parts de marché au profit de l’Inde et surtout de la Chine, mais elle a également perdu en 2017 son statut de premier fournisseur européen du continent africain, dépassé par l’Allemagne. La part de marché de la France en Afrique représente 7,35% loin derrière la Chine (27,75%), qui mène une guerre informationnelle cachée contre la France. En effet, l’une des causes de ce déclin français est un facteur irrationnel qui continue de présenter la France, l’ancienne puissance coloniale, comme « pillant » les richesses du continent (même si les faits économiques contredisent en partie cette réalité).
De Rabat à Djibouti, en passant par Niamey, Ouagadougou, Dakar, Bamako, N’Djamena, Yamoussoukro, Yaoundé, Libreville, Bangui, Antananarivo, Tripoli, et en ajoutant, malgré toutes les façades, Alger et Tunis, Paris perd son emprise sur une grande partie de l’Afrique.
L’année 2022 est l’aboutissement de ce divorce, désormais consommé, entre plusieurs pays africains, autrefois amis et partenaires de la France, qui a fait preuve d’une grande fébrilité dans la gestion de ses relations bilatérales, et continentales avec l’Afrique. La vérité est que l’Afrique a changé de visage, a évolué et a décidé depuis au moins une bonne décennie, maintenant, de prendre son destin en main et de rejeter toute forme de tutelle quelle qu’en soit l’origine.
Un changement de paradigme si profond qu’il a échappé à l’acuité déclinante d’une diplomatie française démodée et fuyante. Cela a donné corps à des ruptures sans retour, comme c’est le cas avec le Mali, et le Burkina Faso qui a renvoyé l’ambassadeur de France chez lui. Partout, de la mer Rouge à l’Atlantique en passant par la rive ouest de la Méditerranée, la multiplication des panneaux affichent tous un message clair et sans ambiguïté : ‘’France dégage ! »
En cause, et sans ambiguïté, la politique agressive et inacceptable du président Emmanuel Macron, qui souffle le chaud et le froid, à l’égard d’une partie de cette Afrique qui aujourd’hui a d’autres ambitions, et qui voit l’avenir de ses populations hors du viseur français, en concluant des partenariats avec d’autres puissances, notamment la Chine, la Russie et le Maroc, qui, depuis 23 ans, ont fait de l’Afrique une priorité nationale politique, sociale, culturelle et humaine.
Cela se traduit par un simple rejet du modus operandi de la politique française avec ses « partenaires » africains, au point même d’irriter les plus fidèles et alliés comme le Sénégal, qui s’aligne sur le Mali, sur le Burkina Faso, sur la CentrafriqueRépublique, et est en accord avec le Cameroun, avec la Côte d’Ivoire, avec le Niger, avec le Tchad, avec la Libye et même avec un pays comme Djibouti, favori de Paris, qui réclame lui aussi son indépendance. Dans le sillage des mouvements de contestation et de rejet qui se propagent d’une région à l’autre comme une traînée contagieuse, assimilée à un réveil, que beaucoup jugent tardif, puisque la France est depuis longtemps injuste dans ses relations avec ses anciennes colonies, et entend toujours dicter sa politique.
Tout cela se mêle à des leçons dépassées que les Africains ne veulent plus recevoir de personne, surtout d’une France enlisée dans des crises politiques et sociales sans fin, sans parler de la profonde et grave stagnation économique qui la pousse à vouloir puiser dans l’Afrique, un réservoir qui a servi de vanne d’urgence et de vache laitière pendant plus d’un siècle et demi.
Ce rejet de la part des responsables politiques africains aujourd’hui reflète aussi l’opinion des populations africaines qui refusent catégoriquement l’ingérence de Paris dans leurs affaires intérieures, se servant à sa guise, donnant des leçons à tout bout de champ, intervenant militairement partout où elle le décide, et plongeant des pays entiers dans le chaos. Cela fait planer le spectre d’une faillite à la libyenne sur des pays comme le Mali, le Niger, le Burkina, le Tchad et la République centrafricaine, entre autres états fragilisés par des décennies d’exploitation par de grandes entreprises françaises qui font d’énormes profits alors que les populations de ces les pays s’appauvrissent chaque jour.
Matières premières surexploitées, terres rares convoitées, ressources naturelles pillées depuis de très longues années, sans oublier les millions d’Africains soumis, maltraités, réduits en esclavage par une France qui donne des leçons sur les droits des humains à être égaux, frères, et libres ! Sans parler du sort réservé à tous les déportés, à tous ceux qui se sont battus par la force pour libérer la France, et à toutes les victimes des essais atomiques dans le désert du Sahel. Une très longue liste d’injustices commises par la France et infligées aux Africains qui ont assez enduré et qui, aujourd’hui, disent : « Assez ! »
Toute une jeunesse africaine dit aujourd’hui « Non » à la France. Non au chantage au visa, comme s’il s’agissait d’un billet d’entrée au paradis ! Non au bras de fer sur les marchés locaux et sur la part du lion réservée aux entreprises françaises. Non à la tutelle culturelle avec cette francophonie si dépassée qui paraît de plus en plus fausse et trompeuse. Non à la politique de la main tordue pour faire plier tous ceux qui veulent décider eux-mêmes de leur avenir et de leur développement. Non au double jeu. Non à la duplicité. Non aux bénéfices de toute nature. Non aux privilèges. Non à l’exploitation. Non à la discrimination. Non au racisme et à la xénophobie, deux fléaux qui prennent aujourd’hui une dimension très préoccupante dans une société française à la fois divisée et fragilisée.
Plus remarquable encore est le fait que le déclin de la France s’observe d’abord dans les pays francophones. Les principaux partenaires commerciaux de la France en Afrique sont désormais le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, suivis du Nigeria et de l’Afrique du Sud. Les anciens pays d’Afrique de l’Ouest ne représentent plus que 1 % de la part de marché de la France.
Il faut dire que le sentiment anti-français n’a jamais été aussi fort. Parti du Mali, il s’est étendu à la République centrafricaine et au Burkina Faso, où des leaders d’opinion accusent l’ancienne puissance coloniale de vouloir profiter de leurs ressources.
Néocolonialisme
L’usage du terme néocolonialisme s’est d’abord généralisé, notamment en référence à l’Afrique, peu de temps après le processus de décolonisation qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui est intervenue après la lutte de plusieurs mouvements d’indépendance nationale dans les colonies.
Le colonialisme est une politique d’occupation et d’exploitation économique, politique ou sociale d’un territoire par un état étranger. Le néo-colonialisme fait référence à une situation de dépendance d’un état vis-à-vis d’un autre. Cette dépendance n’est pas officielle, comme c’est le cas entre une colonie et une métropole.
L’exploitation brutale des populations ainsi que l’appropriation des ressources du continent par les pays du Nord sont en cause. C’est ce qui justifie qu’aujourd’hui, que la France et d’autres pays occidentaux mettent en place des actions, notamment en aidant le développement que la colonisation avait freiné.
Le néocolonialisme en Afrique fait référence à la domination indirecte et continue des pays africains par d’anciennes puissances coloniales ou par d’autres puissances extérieures, par des moyens économiques, politiques et culturels. Certains aspects du néo-colonialisme en Afrique comprennent :
– Exploitation économique : Les pays africains sont souvent contraints de dépendre des exportations de matières premières, tout en important des produits manufacturés à des prix plus élevés, ce qui conduit à une relation économique unilatérale.
– Ingérence politique : Les puissances extérieures interfèrent souvent dans les affaires politiques des pays africains, soutenant les dirigeants favorables à leurs intérêts et s’opposant à ceux qui ne le sont pas.
– Domination culturelle : L’influence culturelle des anciennes puissances coloniales se fait encore sentir en Afrique, car les valeurs et les normes culturelles occidentales sont souvent considérées comme supérieures aux valeurs africaines traditionnelles.
– Dépendance à l’endettement : De nombreux pays africains sont accablés par la dette, qui provient souvent de prêts accordés par des puissances extérieures. Ces dettes peuvent conduire à la dépendance et compromettre leur souveraineté.
– Accaparement des terres et des ressources : Des puissances ou des sociétés externes acquièrent souvent de grandes quantités de terres ou de ressources dans les pays africains, déplaçant souvent les populations locales et entraînant une dégradation de l’environnement.
Présence russe en Afrique
La « nouvelle » présence russe en Afrique, après un désengagement de près de 30 ans, évolue rapidement et peut brouiller plusieurs cartes tant qu’elle s’affirme comme un contrepoids aux ambitions chinoises et au néocolonialisme occidental.
Un peu comme un chat sorti du sac, le sommet Russie-Afrique d’octobre 2019, où Poutine a réuni une trentaine de chefs d’états africains à Sotchi, a frappé l’opinion médiatique, négligeant les racines soviétiques de cet intérêt. Malgré l’absence d’une logique idéologique globale comme au temps de l’URSS, la Russie de Poutine peut tirer parti de cet héritage et y apporter une approche pragmatique.
Le réengagement de la Russie en Afrique a commencé avec les visites du président Poutine en Afrique du Sud et au Maroc en 2006, suivies des visites de son successeur par intérim Medvedev en Égypte, en Angola, en Namibie et au Nigeria en 2008, dans les deux cas accompagnés de délégations d’hommes d’affaires pour finaliser accords privés. Cela n’est pas passé inaperçu auprès des analystes occidentaux de la politique russe, qui ont rapidement décelé une volonté de marquer des points économiques et symboliques. Poutine a donné le ton : « La Russie constate sans jalousie que d’autres pays ont noué des liens en Afrique, mais elle entend défendre ses intérêts sur le continent ». Cependant, dans le même temps, une autre stratégie était à l’œuvre au niveau de l’État.
En 2006, le président Poutine a annulé la dette de l’État algérien (d’environ 4,5 milliards de dollars) en échange de contrats d’armement lucratifs. Une stratégie similaire a été mise en œuvre dans la Libye du colonel Kadhafi : contrats ferroviaires et gaziers avec Gazprom en échange de l’annulation des dettes libyennes. La chute du dictateur a quelque peu contrecarré les plans, mais la Russie a tenté de rester influente, notamment auprès du commandant Haftar et des contrats obtenus par la firme de sécurité russe Wagner. En Égypte, ancienne coqueluche de la coopération soviétique sous l’ère Nasser, il y aura des contrats de vente d’armes (plus de 3,5 milliards de dollars) avec le régime du président Al-Sissi, doublés d’un accord entre l’agence russe pour l’énergie nucléaire Rosatom et le gouvernement égyptien pour la construction d’une centrale électrique dans la région de Dabaa,
Cette approche du donnant-donnant semble avoir peu de contenu idéologique mais n’est certainement pas sans vision stratégique dans la mesure où les liens avec le régime d’Al-Sissi contribuent à maintenir une présence avec Haftar dans l’est de la Libye et à réaffirmer les intérêts russes méprisés après la chute de Kadhafi. Rappelons que l’annulation de la dette africaine était une politique mise en avant par le G8, dont la Russie était alors membre, mais que le régime de Poutine a appliqué à des partenaires précis en échange d’avantages concrets.
Au cours de la période 2009-2018, les exportations russes vers l’Afrique ont totalisé près de 100 milliards de dollars. Cependant, 80% de ces échanges étaient concentrés dans 7 pays : Égypte, Algérie, Maroc, Tunisie, Nigéria, Soudan et Afrique du Sud. Comme la plupart d’entre eux sont des partenaires de longue date, les deux tiers de ces échanges ont été dirigés vers deux pays en particulier : l’Algérie (25,8 milliards de dollars) et l’Égypte (37,5 milliards de dollars). En 2019, la majorité de tous les produits exportés par la Russie vers les pays africains pouvaient être regroupés en cinq catégories : armes, céréales, produits pétroliers, métaux ferreux et construction navale.
La prépondérance des intérêts soviétiques en Afrique du Nord est plus qu’évidente. En revanche, avec des pays en reprise économique comme l’Éthiopie, la RDC et l’Angola, les échanges ne s’élèvent qu’à des dizaines de millions de dollars par an. La Russie vise également l’extraction de bauxite en Guinée, l’extraction de platine au Zimbabwe et l’extraction de diamants en Angola. La création d’une zone industrielle russe en Égypte pourrait non seulement assurer la prépondérance des firmes russes sur le marché égyptien mais leur permettrait également de se tailler une place de choix dans l’espace économique subsaharien.
D’un point de vue comparatif, les échanges entre la Fédération de Russie et les pays africains restent modestes, la Russie étant le 6ème partenaire commercial de l’Afrique, après la Turquie, et loin derrière la Chine. Mais Moscou progresse rapidement : 17,2 % de hausse entre 2017 et 2018. Egalement en croissance rapide, les investissements russes sont passés à 5 milliards en 2018, mais représentent très peu par rapport aux investissements chinois estimés à 130 milliards par an.
Symbole de la nouvelle ère du capitalisme russe, les activités économiques en Afrique sont menées par une combinaison d’acteurs privés et de grandes entreprises publiques. Le géant Gazprom signe la plupart des contrats de coopération dans le secteur pétrolier et gazier et veut, par exemple, connecter les ressources gazières du Nigeria à l’Europe, tandis que Rosneftest principalement actif en Afrique du Nord et Lukoil au Nigeria et au Ghana. L’agence étatique Rosatom a des projets de coopération nucléaire avec l’Egypte, l’Algérie, le Nigeria et la Zambie.
Si la Russie a bénéficié d’une partie des liens tissés durant l’ère soviétique, le retard engendré par son désengagement, l’agressivité de l’offensive chinoise et le contexte de sanctions internationales font que le géant eurasien dispose de peu de moyens pour développer sa stratégie africaine, et adopte une approche qui combine coopération militaire et influence médiatique. A son crédit, elle n’a pas de passé colonial et s’appuie sur des sentiments anti-français, par exemple au Mali ou en Centrafrique, dans des campagnes de relations publiques où elle se présente comme la garante de la souveraineté de ses partenaires africains, avec qui elle échange des services sans aucune ingérence politique ou morale au regard des normes démocratiques.
Par ailleurs, un aspect important du soft power russe en Afrique vient de son expérience en Syrie. Elle présente cela comme la preuve qu’elle peut garantir la souveraineté et l’indépendance économique en s’affranchissant des effets des sanctions occidentales et en étant moins hégémonique que Pékin dans son appétit de ressources. Pour les dirigeants africains désireux de diversifier leurs partenaires économiques, ces atouts ne doivent pas être négligés.
Ainsi, le sommet de Sotchi en octobre 2019 a réuni des représentants de chacun des 54 pays africains, dont 43 chefs d’État. La Chine, l’Inde, la Turquie et le Brésil organisent également déjà leurs sommets africains, tout comme les États-Unis, l’UE et le Japon. Il faut donc voir dans cet exercice non pas le signe des visées hégémoniques de la géopolitique de Poutine, mais plutôt le fait que la Russie doit faire comme tous les grands partenaires économiques de l’Afrique. L’impact médiatique était en quelque sorte plus important que l’impact économique et diplomatique. Quelques traités bilatéraux et multilatéraux ont été signés, mais aucun programme d’aide. Le sommet devrait se tenir tous les trois ans et si les prévisions russes se réalisent, il devrait y avoir un doublement du commerce russo-africain d’ici là, visant à atteindre le niveau français.
Parce que la liste des pays africains ayant des accords de sécurité avec la Russie est assez longue, parce que ces projets de coopération se multiplient assez rapidement, surtout ces dernières années, et parce que l’observateur étranger a un peu oublié que l’URSS entretenait des intérêts et des contacts soutenus avec l’Afrique depuis plusieurs décennies, il est facile de se méfier des ambitions russes dans l’Afrique contemporaine. Certaines implications s’inscrivent dans la logique de la présence soviétique en Afrique (Maghreb, Afrique lusophone, Afrique du Sud et Éthiopie), d’autres naissent de circonstances nouvelles (République centrafricaine). Pourtant, sur le plan économique, la Russie ne pèse pas lourd par rapport à des acteurs comme la Chine, les États-Unis ou la France.
La relation entre l’Afrique et l’Occident
La relation entre l’Afrique et l’Occident a toujours été tendue, notamment à cause du colonialisme, de l’esclavage, de la guerre froide, et maintenant de l’immigration et de l’invasion russe de l’Ukraine. L’Afrique (en tant que continent) a adoptéune position ambivalente sur cette guerre.
La « conquête » de l’Afrique, continent riche en matières premières (pétrole, or, cobalt, coltan, diamants, bois, uranium, etc.), est un enjeu majeur en ce début de XXIe siècle. Elle est, de plus, au cœur d’un jeu d’influence de plus en plus agressif, souvent au détriment des pays africains eux-mêmes.
De la Baltique à l’Afrique en passant par la Méditerranée. La Russie de Vladimir Poutine est de retour dans le monde. En Afrique, elle veut rétablir la situation qu’elle avait du temps de l’Union soviétique, mais aussi accroître ses relations, dans le respect mutuel.
Après avoir été largement absente d’Afrique depuis l’implosion de l’URSS, la Russie n’intervient encore que timidement dans ce qui est le nouveau grand jeu du XXIe siècle entre grandes puissances. Même s’il est très loin de la Chine, de l’Inde, des États-Unis et même des anciennes puissances coloniales européennes, qui tentent de maintenir leur position. Mais, pour réussir sa rentrée, Moscou veut jouer son atout : mettre en avant ses relations passées avec les pays africains.
Pendant la guerre froide, l’URSS est apparue en pleine décolonisation comme une alternative à l’Europe et était devenue l’un des principaux fournisseurs d’armes aux pays africains. L’autre point fort de l’influence soviétique était la coopération universitaire, qui permettait à de nombreux jeunes Africains d’étudier à Moscou.
A l’époque, cette influence inquiétait les pays occidentaux, qui se demandaient même si l’Union soviétique n’était pas en train de « prendre le contrôle de ce qu’on appelait le tiers-monde », selon le journaliste spécialisé Christophe Boisbouvier (« Jeune Afrique », 20 octobre 2017).
La Russie du XXIe siècle est loin de jouer ce rôle sur le continent aujourd’hui. Néanmoins, pour donner un signal de son réengagement, le président, Vladimir Poutine, a décidé l’an dernier d’annuler quelque 20 milliards de dollars de dettes de pays africains contractées du temps de l’URSS. Par ailleurs, Moscou a proposé aux pays africains encore endettés un système d’échange « actions contre dette », notamment pour investir dans l’énergie et les ressources naturelles. Dans l’industrie, notamment en Guinée dans la bauxite, ou dans les chemins de fer au Ghana, les entreprises russes sont désormais en concurrence avec les Chinois et les Français.
Soixante ans après les indépendances, le continent reste l’objet des convoitises des grandes puissances. L’Afrique représente environ 8% des réserves mondiales de pétrole, 7% de l’or mondial, 53% des diamants mondiaux, 75% du platine mondial et au moins 60% des terres arables non cultivées du monde. Si elle est cultivée, elle pourrait nourrir une grande partie de la population mondiale, qui d’ici la fin de ce siècle pourrait atteindre 11 milliards de personnes.
Mais ce qui a profondément changé, ce sont les acteurs et la géographie. Le « Grand Jeu » n’est plus entre la Russie et le Royaume-Uni en Asie, comme au XIXe siècle, mais entre les nouveaux pays émergents, l’Amérique et l’Europe en Afrique. Et l’aiguillon de la rivalité est la Chine.
Il n’en reste pas moins que, face aux ambitions russes, indiennes, européennes ou américaines, la Chine a un avantage. Elle est prête à financer en grande partie des opérations publiques et privées en Afrique. La différence entre la Chine et un pays comme la France, c’est que la Chine fournit des financements à long terme. Même si le risque pour les pays africains est de voir leur dette exploser.
L’UA, la nouvelle institution, a pour ambition de rénover et de renforcer les projets d’intégration économique et politique qui ont été à la base de la création de l’OUA. Il doit, entre autres, promouvoir la coopération et renforcer les relations sociales, économiques et politiques entre les États membres pour éviter les relations guerrières. En outre, il souhaite mettre en place un cadre institutionnel stable pour permettre aux États africains de participer efficacement au marché mondial et aux négociations internationales sur le commerce, la finance et d’autres questions internationales (Acte constitutif de l’UA, articles 3 et 4). En remplaçant l’OUA par l’UA, les chefs d’Etats ont voulu moderniser l’ancienne institution et ouvrir une nouvelle page dans l’intégration des Etats africains à l’instar de l’Union européenne.
Cependant, plusieurs années après sa création, et malgré les efforts déployés, l’Union africaine, la plus grande organisation régionale du continent africain, n’a pas produit les résultats escomptés. Les conflits armés, dont de nombreuses guerres civiles, empêchent l’établissement d’un climat de paix et de sécurité entre les États membres. Au niveau politique, le continent est marqué par de nombreux coups d’état. La situation sociale est tout aussi chaotique et le continent fait face à des crises sanitaires à répétition. De plus, la famine et la pauvreté font partie du quotidien des citoyens et la situation économique du continent n’est pas des plus glorieuse. En effet, le continent africain est celui qui contribue le moins au commerce mondial. Il dépend fortement des importations et continue d’échanger des matières premières contre des produits finis aux dépens des industries de transformation locales.
Autrement dit, l’Union africaine est loin de ses objectifs et, contrairement à son modèle de référence, ne prospère pas. Ce triste constat soulève plusieurs questions, tant sur l’intégration africaine que sur la légitimité et l’utilité de l’Union africaine.
Le sujet semble d’autant plus pertinent que les nations africaines considèrent l’intégration régionale comme une opportunité importante d’introduire la stabilité politique et d’accroître les échanges. À cet égard, Kwame Nkrumah, le premier président du Ghana et l’un des pères fondateurs de l’unité africaine a déclaré :
« Il ne peut y avoir de véritable indépendance et indépendance économique et de véritable développement économique, social, politique et culturel de l’Afrique sans l’unification du continent ».
Mais comment cette unification doit-elle avoir lieu ? L’Union africaine, sur le modèle de l’Union européenne, est-elle la seule solution pour l’Afrique ? Est-il capable de guérir l’Afrique de tous ses maux ? Et si l’intégration régionale selon le modèle européen n’était pas adaptée à l’Afrique ?
Quel avenir pour l’Afrique
L’Afrique est un continent avec un potentiel énorme, des ressources naturelles abondantes et une population jeune. Malgré des défis importants tels que la pauvreté, la corruption, les conflits et les infrastructures sous-développées, l’Afrique a connu une croissance économique impressionnante au cours de la dernière décennie, certains pays ouvrant la voie.
Voici quelques tendances et développements potentiels pour l’Afrique à l’avenir:
1- Shift démographique: L’Afrique devrait avoir la plus grande population de travail au monde d’ici 2035, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la productivité du travail et stimuler la croissance économique.
2- Adoption de la technologie: Avec l’adoption croissante de la technologie, en particulier les appareils mobiles et Internet, l’Afrique a la possibilité de dépasser les voies de développement traditionnelles et de développer des solutions innovantes pour ses défis.
3- Urbanisation: L’Afrique connaît une urbanisation rapide, de nombreuses villes augmentant plus rapidement que leur infrastructure ne peut le suivre. Cette tendance pourrait créer des défis tels que la congestion, la dégradation de l’environnement et les inégalités sociales, mais elle offre également des opportunités de développement économique et d’innovation.
4- Développement durable: L’Afrique a un énorme potentiel d’énergie renouvelable, d’agriculture et d’écotourisme, qui pourrait fournir des solutions durables à ses défis tout en protégeant ses ressources naturelles.
5- Intégration régionale: L’Afrique se tourne de plus en plus vers l’intégration régionale comme moyen de stimuler la croissance économique et de réduire la pauvreté. Cette tendance pourrait entraîner une augmentation du commerce, des investissements et de la coopération entre les pays africains.
Dans l’ensemble, l’avenir de l’Afrique dépendra de la façon dont le continent relèvera ses défis et saisira ses opportunités. Avec les bonnes politiques, les investissements et le leadership, l’Afrique a le potentiel de devenir un acteur mondial majeur et d’améliorer la vie de son peuple.
Professeur universitaire et analyste politique international