Le Rif : l’espoir assassiné?


La situation des détenus politiques amazighs du Rif qui sont à leur vingtième jour de grève de faim, s’achemine vers une tragédie. Le silence assourdissant des corporations politiques témoigne d’une classe politique domestiquée, ligotée par un pouvoir qui manie la laisse et la mangeoire. Et une société civile aliénée, « orientalitarisée » qui continue à ressasser un discours obsolète en décalage avec les mutations brutales que connait son environnement. Et un pouvoir « droit dans ses bottes » qui opte pour une gestion cynique des revendications légitimes d’une région qui tient farouchement à sa dignité.

Le pouvoir reste indifférent et par son attitude entérine les blessures qui ont saigné et saignent encore le Rif. Une région dont la population vit au rythme de traumatismes indélébiles : gazée par l’armée espagnole durant la résistance, bombardée en 1958 par l’aviation marocaine, traitée d’apaches et ayant subi diverses formes de tortures durant les années de plomb, broyée dans une poubelle comme une ordure et condamnée à des peines astronomiques pour avoir revendiqué son droit à la vie dans la dignité.

Mise à part quelques communiqués émanant essentiellement d’organisations amazighes et les réactions des militants amazighes sur les réseaux sociaux, l’état gravissime des détenus n’a pas entraîné de mobilisation massive. La peur, surdimensionnée par les aléas de la pandémie du Covid 19 qui a induit une paupérisation galopante, a inhibé les consciences et paralysé le mouvement contestataire. Pourtant, il s’agit de vies qui risquent d’être perdues « bêtement ». Les concernés ont choisi la voie extrême : une grève de faim illimitée qui risque de mettre fin à leurs jours. Les détenus ont déjà contacté leurs familles pour que les linceuls soient préparés…et les éventuelles funérailles!!!

Et si la tragédie survient, l’avenir sera compromis : l’espoir sera assassiné. Le Rif, mutilé, ne pourra pas pardonner et la contestation -légitime- empruntera des voies tendues qui pousseront les maîtres du moment à fourbir la répression. L’issue reste incertaine, car le cycle de la tragédie ne sera pas rompu. Les voies de la sagesse sont inaudibles. Seul agissent en coulisse, dans le secret du temple, « ceux qui lient et délient ».

La situation rifaine est une exception par sa profondeur historique, son ampleur et son absurdité. Elle prolonge un malaise profond, sorte de « spleen social » exprimé par des citoyens brimés, marginalisés, humiliés à Sidi Ifni, Jerada, Talssint, Gourrama, Sefrou, Msemrir, Khnifra, Tinghir, Boumal n Dades, Azilal, Zagora et ailleurs. Face aux décisions délibérées d’un pouvoir inique qui donnent la nausée, les citoyens optent pour le défi légitime : mourir plutôt que de vivre dans la veulerie.

Espérons donc que la tragédie soit évitée, car nous en serons profondément affectés d’autant plus qu’elle repose sur une injustice criante. La libération immédiate et inconditionnelle des détenus soulagera les Amazighes de toutes les régions et épargnera à l’image de notre pays d’être éborgnée. Il en va aussi de l’avenir du Maroc.


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