Rendre à l’amazighe ce qui est à l’amazighe
Une décision judiciaire rendue publique par le tribunal administratif de Rabat a ranimé le débat incessant autour de l’amazighité et ses droits au Maroc. Ladite décision a stipulé que «les actes administratifs rédigés en langue française sont illégaux parce qu’ils sont contraires à la constitution et entachés du vice d’une infraction grave à la loi et qu’ils ont pour effet la révocation par la juridiction administrative dans le cadre du recours en annulation pour excès de pouvoir prévu stipulé par l’article 118 de la Constitution».
La décision, qui remonte à 2017 a déclaré aussi que « l’État, les collectivités locales et les établissements publics avec toutes leurs installations restent obligés d’utiliser les langues arabe ou amazighe dans toutes leurs actions, y compris dans l’édition de toutes décisions, contrats, correspondances et autres documents délivrés, et aussi lors de la communication verbale avec les citoyens, et dans tous les cas de communication écrite et orale avec les Marocains et les étrangers, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire national, par les représentants de l’État, des collectivités locales, des établissements publics, des services et des administrations publiques affiliés, dans les cas où les actes ont un caractère officiel et public et ce, conformément au premier paragraphe du chapitre cinq de la constitution».
On est certainement face à une évolution de la notion du contentieux, avec cette sentence qui compte parmi les premières décisions judiciaires.
Trois arrêts sont sollicités après ce jugement regorgeant d’arguments irréfutables:
1- Le demandeur a un intérêt ferme à l’action, car l’intérêt de l’action en annulation s’apprécie en fonction du lien de la partie appelante à la décision attaquée quant à son incidence matérielle ou morale sur statut juridique, directe ou indirecte;
2- la demande du demandeur visait à annuler la décision administrative rendue par le ministre de la santé, ce qui n’implique pas une demande d’ordres directs à l’administration, mais elle cadre plutôt le champ de l’action en annulation pour abus de pouvoir, ce qui rend le procès intenté dans ce cadre acceptable;
3- Le chapitre 5 de la constitution stipule que «L’arabe demeure la langue officielle de l’État. L’Etat œuvre à la protection et au développement de la langue arabe, ainsi qu’à la promotion de son utilisation. De même, l’amazighe constitue une langue officielle de l’État, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception».
En conséquence, le tribunal a conclu que la promulgation d’une décision rédigée en langue française par le ministre de la santé est une violation des règles de la Constitution, et est donc entachée du vice d’une violation grave de la loi.
Apparemment, le processus de mise en œuvre du caractère officiel de l’amazighe, tellement prôné par la loi organique N° 26.16 définissant le processus de mise en œuvre du caractère officiel de l’amazighe, ainsi que les modalités de son intégration dans l’enseignement et dans les domaines prioritaires de la vie publique, ne peut venir que par le portail de la justice.
Ainsi, le tribunal administratif a effleuré nos attentes en tramant noir sur blanc, que la langue officielle établie par un texte constitutionnel est une manifestation de la souveraineté de l’État, dans sa dimension culturelle et historique avec une extension économique, politique et sociale. Par conséquent, l’utilisation par l’administration d’une langue étrangère comme alternative à la langue officielle constitue une renonciation à cette souveraineté dans ses dimensions précitées, et une violation de la volonté des citoyens inscrite dans la constitution, ceux qui ont choisi l’arabe et l’amazighe comme deux langues officielles.