Mahjoubi Aherdan tire sa révérence
Mahjoubi Aherdan nous a quittés ce matin. Une institution politique nationale. Un homme qui a accompagné la naissance et l’édification du Maroc. Il est originaire de la confédération des Ait Yafelmane, précisément de Talsint. Sa tribu a quitté le Sud Est en quête de pâturages pour venir s’installer à Oulmès et intégrer la confédération de Zayane. Il serait né en 1921 et a poursuivi ses études à l’académie militaire de Meknès. Capitaine, il a participé à la deuxième guerre mondiale. A occupé plusieurs postes ministériels du Maroc indépendant. Fondateur du Mouvement Populaire, puis du Mouvement National Populaire (MNP). C’est aussi un artiste peintre, romancier et poète. Il n’a jamais renié son amazighité. J’ai eu l’honneur de travailler avec lui en tant que Rédacteur en chef du journal TIDMI, porte-parole du MNP, de la revue TIFINAGH dirigé par son fils OUZZIN Aherdan. Ensuite le journal Agraw Amazigh. AHERDAN est un amazighe né.
En cette occasion douloureuse, je tiens à présenter mes sincères condoléances à mon ami Ouzzin Aherdan, son frère Youssef, ses sœurs, ses frères et ses neveux Mohamed Aherdan, Rabiha Aqqa (radio amazighe), la famille Lekbir et tous les membres de la famille Aherdan.
Hommage à AHERDAN (2003)
La « résistance politique » et la permanence du Mouvement Populaire tient à la personnalité de son leader Mahjoubi Aherdan et à sa base : la tribu amazighe. Entité spécifique organisée de manière démocratique et s’inscrivant dans un socialisme communautaire. Si le Mouvement Populaire a résisté aux multiples divisions orchestrées par le pouvoir, c’est grâce à ces faits.
M. Aherdan n’est pas un homme politique ordinaire comparable à certains nains qui dirigent les autres formations politiques. C’est d’abord un amazighe : c’est-à-dire un homme libre. Il est également artiste, peintre, poète et romancier. C’est une institution nationale. Un homme libre et anticonformiste décrié et combattu par des eunuques politiques qui ont un seul objectif : casser et désintégrer l’organisation démocratique du monde amazighe. Une organisation transparente et juste qui dérange une caste de vautours qui cultivent les ambiguïtés et les amalgames. Il fait aussi l’objet de critique de plumitifs de service qui oublient que c’est grâce à lui que fut promulgué le Dahir des libertés publiques en 1958.
On reproche naïvement à Aherdan l’absence d’organisation de son mouvement. En fait, il a toujours affirmé que son mouvement n’est pas un parti politique, au sens stalinien, comme c’est le cas des autres formations politiques.
L’organisation stalinienne du mouvement profitera au makhzen, qui n’aura plus de mal à domestiquer les amazighes et casser les tribus et mettre à l’aise ceux qui n’appartiennent à aucune tribu. Aherdan n’a jamais renié son amazighité. Cette dernière est à la base de tous les complots ourdis contre lui, depuis l’indépendance à nos jours.
Aherdan est l’héritier d’une civilisation millénaire qui a su braver les vicissitudes du temps. Héritier de héros légendaires qui ont marqué notre histoire nationale. Qui ont le sens de la liberté, de la dignité, du respect de la parole donnée et de la bravoure des grands seigneurs des Atlas et du Rif. Le devenir de l’amazighité a été constant chez lui.
Au milieu des années quatre-vingt, son refus de participer au gouvernement a irrité ses détracteurs. Son mouvement sera saboté et kidnappé. Le pouvoir est déstabilisé par la mise en relief de la dimension amazighe, depuis la publication de la revue amazighe en 1979. Le pouvoir enfanta le RNI confié à A. Ousman. Le pouvoir n’a pas digéré l’entretien accordé par Aherdan au journal El Pais où il dénonçait le traitement réservé au amazighes : « les femmes amazighes ne sont bonnes qu’en tant que danseuses dans les fêtes officielles et les soldats – amazighes – en tant que chair à canon ».
Au début des années 90, Aherdan réussi, dans des conditions d’hostilité générale, à créer le Mouvement National Populaire. Ce dernier connaîtra deux scissions qui enfanteront le MDS et le UND. Aherdan maintient le cap et réussi a unir les différentes tendances du mouvement au début du troisième millénaire.
En 2007, l’UMP devenu MP arrive en troisième position après les élections. Membre de la majorité gouvernementale sortante, il devrait participer au gouvernement. Il en sera arbitrairement exclu pour avoir refusé une offre humiliante : des postes ministériels imposés par les architectes de la nouvelle ère. Et avec son exclusion, on instaura un gouvernement raciste, dominé par la caste des arao-andalous. L’amazighité s’en trouve exclue.
Aherdan et les instances du Mouvement Populaire ont dit non donc au gouvernement. Non à une participation humiliante qui vise à casser la mouvance. Le choix d’Aherdan est un choix pour la dignité amazighe. Une chance certaine pour le mouvement pour se réorganiser sur des bases solides et faire de la défense de l’amazighité son fer de lance.
Aherdan offre une occasion aux amazighes pour qu’ils cessent de s’entredéchirer, pour qu’ils se rassemblent et s’unissent. Il y va de leur avenir et devenir. L’ennemi de l’amazighité s’est déclaré. Il continue avec arrogance sa politique de défiguration et de folklorisation de l’amazighité. Imazighen sont à la croisée des chemins : se battre pour leur dignité, leur culture et leur identité où mourir dans la veulerie et la honte. Aherdan a fait son choix.
Je m’incline devant sa mémoire.
Par : Moha Ou Said