Promouvoir, protéger et revitaliser la langue amazighe


Les langues jouent un rôle de plus en plus important dans le développement, en garantissant la diversité culturelle et la discussion interculturelle, ainsi qu’en stimulant la coopération et en assurant une éducation de qualité pour tous. La Journée internationale de la langue maternelle [i] met en lumière le pouvoir des langues et du multilinguisme pour promouvoir l’inclusion.

Pour Minnie Degawan, la langue autochtone est : [ii]

‘’Pour les peuples autochtones, la langue est non seulement un marqueur d’identité et d’appartenance au groupe, mais aussi le véhicule de leurs valeurs éthiques. Elles sont la trame des systèmes de savoirs grâce auxquels ils ne font qu’un avec la terre et qui se sont avérés cruciaux pour leur survie. L’avenir de leur jeunesse en dépend.’’

‘’Femme amazighe’’ œuvre de l’artiste marocaine Soundousse Belayachi, 2022
‘’Femme amazighe’’ œuvre de l’artiste marocaine Soundousse Belayachi, 2022

Histoire

La Journée internationale de la langue maternelle commémore les tristes événements du 21 février 1952, au Bangladesh, lorsque quatre étudiants ont été tués par la police lors d’une émeute de protestation contre le mouvement linguistique.

Cette journée met l’accent sur la manière dont les langues sont essentielles au bien-être des personnes et peuvent les aider à progresser dans leur éducation et leur développement.

Entre 1858 et 1947, une chaîne d’événements s’est accumulée, aboutissant à une explosion en 1952. À l’époque, le Bangladesh était sous l’administration coloniale britannique, qui était cruelle et inhumaine. Le plan Mountbatten de 1947, dans lequel les Britanniques ont décidé de diviser l’Inde coloniale en deux états souverains, est le résultat d’un fort sentiment anticolonial. À partir de ce moment, la question est devenue beaucoup plus passionnante.

Lors de sa création en 1947, le Pakistan a été divisé en deux zones géographiquement distinctes. Le Pakistan oriental (aujourd’hui le Bangladesh) et le Pakistan occidental (actuellement connu sous le nom de Pakistan). En termes de culture et de langue, les deux parties étaient diamétralement opposées.  L’Inde se trouvait au milieu des deux moitiés, les séparant.

Même si le Bengali ou Bangla était parlé par la majorité de la population du Pakistan oriental et du Pakistan occidental, le gouvernement pakistanais a déclaré l’Ourdou comme étant la seule langue nationale du pays en 1948. Comme la majorité de la population était originaire du Pakistan oriental et que sa langue maternelle était le Bengali, les habitants du Pakistan oriental se sont révoltés. Ils ont demandé qu’en plus de l’Ourdou, le Bangla soit inclus comme l’une des langues nationales. Dhirendranath Dutta, du Pakistan oriental, a été le premier à formuler cette demande à l’Assemblée constituante du Pakistan, le 23 février 1948.

Le gouvernement pakistanais a interdit les réunions publiques et les manifestations afin de mettre un terme aux protestations. Des marches et des réunions massives ont été organisées par les étudiants de l’université de Dhaka avec l’aide de la population. La police a tiré sur les rassemblements le 21 février 1952. Des centaines de personnes ont été tuées, dont Abdus Salam, Abul Barkat, Rafiq Uddin Ahmed, Abdul Jabbar et Shafiur Rahman.

Il s’agissait d’un événement unique au cours duquel des personnes ont donné leur vie pour leur langue maternelle. Le mouvement pour la langue bengali (également connu sous le nom de Bhasha Andolon) a renforcé le nationalisme bengali et s’est avéré être un moment décisif dans la quête d’indépendance du pays. Après un conflit violent de neuf mois en 1971, la province du Pakistan oriental a réussi à établir son identité en tant que Bangladesh, un état indépendant.

Depuis lors, les Bangladais commémorent la Journée internationale de la langue maternelle comme l’un de leurs jours tragiques. Ils se rendent au Shaheed Minar, un mémorial érigé à la mémoire des martyrs, et à ses répliques pour exprimer leur chagrin, leur respect et leurs remerciements.

Il n’y a eu que deux occasions dans l’histoire où des personnes ont donné leur vie pour leur langue maternelle : le mouvement pour la langue bengali et l’autre événement a eu lieu le 19 mai 1961, dans l’État indien d’Assam. La police a tué 11 manifestants qui demandaient que leur langue maternelle soit reconnue par l’état. Et étonnamment, il s’agissait aussi du Bengali.

Le sacrifice des combattants de la langue a été reconnu dans le monde entier. La Journée internationale de la langue maternelle est un événement mondial annuel qui a lieu le 21 février chaque année et vise à sensibiliser le public à la diversité linguistique et culturelle ainsi qu’au multilinguisme.

Tamazgha
Tamazgha

Qu’est-ce qu’une langue indigène ?

Une langue indigène ou langue autochtone, est une langue originaire d’une région et parlée par des peuples autochtones. Cette langue est issue d’une communauté linguistiquement distincte, originaire de la région. En outre, de nombreuses langues autochtones ont fait l’objet d’un linguicide (meurtre de la langue).

L’histoire, les cultures et les identités des peuples indigènes sont incarnées et partagées dans leurs langues. Le risque d’extinction linguistique s’accompagne du risque de perdre des siècles d’information, de connaissances traditionnelles, de compréhension de la terre qui nous entoure, et la capacité de transmettre pleinement la culture et les traditions aux générations futures. [iii]

On peut définir une langue indigène ou autochtone dans les termes suivants :

  1. Langue originaire d’une région et parlée par des autochtones ayant les mêmes valeurs culturelles et les mêmes croyances.
  2. Un moyen de communication local entre les membres d’un peuple ou d’une communauté, elle contient en elle l’essence d’informations considérables et la connaissance et la sagesse du peuple ou de la communauté.
  3. Il s’agit de la langue indigène d’un groupe particulier de personnes et parlée par les autochtones vivant dans une localité précise.
  4. Une langue indigène est une langue originaire d’une région et parlée par les populations indigènes, souvent réduite au statut de langue minoritaire. Cette langue proviendrait d’une communauté linguistiquement distincte, installée dans une région depuis de nombreuses générations.
  5. Une langue qui est parlée régionalement par un groupe de peuples indigènes.
  6. Il s’agit d’une langue tribale, vernaculaire, locale d’un peuple originaire d’un lieu spécifique. Elle est parlée, possédée et partagée par un groupe de personnes.
  7. Il s’agit d’une langue originaire d’une région et parlée par les populations autochtones.
  8. Une langue originaire d’un pays et parlée comme langue maternelle par certains de ses indigènes.
  9. La langue d’origine d’un groupe de personnes indigènes. C’est la langue qui véhicule les connaissances, la culture et l’identité d’un peuple.
  10. Langue parlée au sein d’une communauté ethnique où la langue fait partie de leur identité et où certains traits de leurs coutumes sont préservés grâce à elle.

L’Assemblée générale des Nations unies (résolution A/RES/74/135) a proclamé la période comprise entre 2022 et 2032 Décennie internationale des langues autochtones (IDIL 2022-2032), [iv] afin d’attirer l’attention du monde entier sur la situation critique de nombreuses langues autochtones et de mobiliser les parties prenantes et les ressources pour leur préservation, leur revitalisation et leur promotion.

La proclamation d’une Décennie internationale est un résultat clé de l’Année internationale des langues autochtones 2019, pour laquelle l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) dirige les efforts mondiaux. L’Organisation continuera de servir d’agence chef de file des Nations unies pour la mise en œuvre de la Décennie internationale, en coopération avec le Département des affaires économiques et sociales des Nations unies (UNDESA) et d’autres agences des Nations unies concernées.

La décennie internationale des langues autochtones a pour objectif de créer une communauté mondiale pour la préservation, la revitalisation et le soutien des langues autochtones dans le monde entier.

L’UNESCO introduit la Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032 dans les termes suivants : [v]

‘’La Décennie internationale vise à garantir le droit des peuples autochtones à préserver, revitaliser et promouvoir leurs langues, et à intégrer les aspects de la diversité linguistique et du multilinguisme dans les efforts de développement durable. Elle offre une occasion unique de collaborer dans les domaines de l’élaboration des politiques et de stimuler un dialogue mondial dans un véritable esprit d’engagement multipartite, et de prendre les mesures nécessaires pour l’utilisation, la préservation, la revitalisation et la promotion des langues autochtones dans le monde.  

Conformément aux objectifs de la Décennie internationale, la plateforme en ligne de l’IDIL 2022-2032 vise à construire une communauté mondiale pour les langues autochtones, à faciliter le partage d’informations sur les activités et les événements organisés dans le monde entier, à promouvoir les ressources et les outils pertinents, à rendre compte et à suivre les progrès réalisés, et à créer de nouvelles possibilités d’échange et de dialogue entre un large réseau de parties prenantes. ‘’

Revalorisation des langues autochtones

La revitalisation des langues autochtones est essentielle pour assurer la pérennité et la transmission de la culture, des coutumes et de l’histoire, mais elle est également importante pour faire face à la perte de biodiversité et au changement climatique

Les méthodes les plus courantes utilisées pour protéger la langue :

– La création de ressources enregistrées et imprimées : Les documents enregistrés et imprimés sont essentiels pour préserver le son et le contexte des langues ;

– Enseigner et suivre des cours de langues ;

– Utiliser les médias numériques et sociaux, et ;

– Insistez pour parler sa langue maternelle.

Pourquoi les langues disparaissent-elles ? Au cours des dernières décennies, un ensemble complexe de circonstances a accéléré la disparition des langues indigènes : contacts avec d’autres peuples, décès des locuteurs natifs, changements radicaux dans leur mode de vie, perte de terres, migrations massives, etc.

L’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones fait clairement ressortir l’ensemble des implications de la perte des langues autochtones : [vi]

‘’As a result of linguistic erosion, much of the encyclopedia of traditional indigenous knowledge that is usually passed down orally from generation to generation is in danger of being lost forever. This loss is irreplaceable and irreparable. Customary laws of indigenous communities are often set out in their languages, and if the language is lost the community may not fully understand its laws and system of governance that foster its future survival. The loss of indigenous languages signifies not only the loss of traditional knowledge but also the loss of cultural diversity, undermining the identity and spirituality of the community and the individual. Biological, linguistic and cultural diversity are inseparable and mutually reinforcing, so when an indigenous language is lost, so too is traditional knowledge on how to maintain the world’s biological diversity and address climate change and other environmental challenges. ‘’

[‘’En raison de l’érosion linguistique, une grande partie de l’encyclopédie du savoir traditionnel autochtone qui est généralement transmise oralement de génération en génération risque d’être perdue à jamais. Cette perte est irremplaçable et irréparable. Les lois coutumières des communautés autochtones sont souvent rédigées dans leur langue, et si la langue est perdue, la communauté risque de ne pas comprendre pleinement ses lois et le système de gouvernance qui favorise sa survie. La perte des langues indigènes signifie non seulement la perte des connaissances traditionnelles, mais aussi la perte de la culture et de l’identité de la communauté ce qui porte atteinte à l’identité et à la spiritualité de la communauté et de l’individu. La diversité biologique, linguistique et culturelle est indissociable et se renforce mutuellement. Ainsi, lorsqu’une langue autochtone disparaît, il en va de même pour les connaissances traditionnelles sur la façon de maintenir la diversité biologique et la diversité culturelle de la planète et comment préserver la diversité biologique mondiale et faire face au changement climatique et aux autres défis environnementaux.’’]

Approches et stratégies de revitalisation linguistique

La revitalisation d’une langue peut emprunter plusieurs voies, mais elles ne s’excluent pas mutuellement. Un aspect central de la revitalisation d’une langue est la création de nouveaux locuteurs. L’une des voies possibles est que les familles apprennent et transmettent la langue menacée à la maison. Les écoles sont aussi des lieux importants pour l’apprentissage des langues. D’ailleurs, les nids linguistiques et les écoles d’immersion se sont avérés particulièrement efficaces. L’éducation linguistique des adultes est également devenue un élément essentiel de la revitalisation des langues. Sans oublier pour autant, les universités et les méthodes de « démarrage » telles que le programme maître-apprenti qui ont permis d’amener des adultes à un niveau de compétence élevé. Les archives linguistiques ont été utiles pour accéder à la langue, surtout lorsqu’il n’y a plus de locuteurs. La modernisation de la langue est également inévitable, y compris un nouveau vocabulaire et le développement de systèmes d’écriture, si nécessaire. Plus important encore, la revitalisation de la langue devrait impliquer une utilisation accrue de la langue, par les locuteurs natifs comme par les apprenants.

Il a également été constaté qu’il existe trois approches efficaces de la renaissance de la langue :

  • La méthode d’immersion totale;
  • La méthode bilingue, et ;
  • La méthode de récupération de la langue.

Les méthodes les plus courantes utilisées pour protéger la langue

Les méthodes les plus courantes utilisées pour protéger la langue sont comme suit :

– Création de ressources enregistrées et imprimées. Les documents enregistrés et imprimés sont essentiels pour préserver le son et le contexte des langues ;

– Enseigner et suivre des cours de langue ;

– Utilisation des médias numériques et sociaux, et ;

– Insister pour parler sa langue maternelle.

Le renouveau linguistique présente des avantages moraux, esthétiques, psychologiques, cognitifs et économiques. Il englobe la justice et l’harmonie sociale, la diversité, l’employabilité et la santé mentale.

Une langue revivifiée est une langue qui, après avoir connu une extinction quasi-totale ou complète en tant que langue parlée ou écrite, a été intentionnellement ravivée et a retrouvé une partie de son statut antérieur.

La revitalisation des langues est une étape extrêmement importante dans la préservation d’une histoire culturelle unique dans le monde. En voici quelques exemples :

– La langue ainu à Hokkaido, au Japon ;

– La langue mandchoue en Chine ;

– La langue hébraïque en Europe et en Israël ;

– Le Quechua au Pérou ;

– Le Barngarla en Australie ;

– L’Hawaïen à Hawaï, et ;

– Le Cornique au Royaume-Uni.

La langue amazighe

Les peuples autochtones d’Afrique du Nord sont les Amazighs ou Imazighen, souvent appelés « Berbères ». Ils se distinguent des autres populations d’Afrique du Nord par leur culture et leur langue – le tamazight – qui possède son propre alphabet ancien, le tifinagh. Les Amazighs ont divers dialectes et sont répartis dans toute la région de l’Afrique du Nord-Ouest jusqu’en Égypte. Ils partagent un héritage commun et une origine linguistique avec de nombreux dialectes tels que Tachelhit-tamazight- tarifit- taqbaylit- tamacheqt. Parmi les différents groupes ethniques amazighs, on trouve les nomades touaregs de la région sud au Mali, Niger, Chad et Burkina Faso [vii] et les Guanches des îles Canaries. [viii]

Le peuple amazigh pourrait compter plus de 30 millions de personnes en Afrique du Nord, représentant une part importante des populations d’Algérie, du Maroc, la Libye et de la Tunisie. Il existe également une importante population touarègue au sud de la Libye et amazighe en Égypte, notamment dans les oasis de l’ouest. [ix]

Il existe également une importante population amazighe dans la diaspora, surtout en Europe, mais aussi dans les îles des Caraïbes, en Amérique du Nord et en Amérique latine. Les associations algériennes de défense des droits des autochtones évaluent la population amazighe nationale à 11 millions de personnes, soit un tiers de la population totale. Au Maroc, les associations amazighes estiment que les Amazighs représentent entre 65% et 70% de la population nationale.

Dans les années 1950, avec la montée des mouvements de libération dans la région, menés par le Mouvement culturel amazigh (CMA), les nationalistes ont promu une philosophie d’arabisation pour forger une identité commune associée à l’islam et à la langue arabe. Ces efforts d’arabisation se sont poursuivis tout au long du XXe siècle et ont contribué à l’étouffement de la langue et de la culture amazighes au profit de l’assimilation. [x]

La langue amazighe est ainsi interdite d’enseignement dans les écoles et l’intégration de la culture et de la langue amazighes dans les médias est fortement limitée. Au-delà de cette arabisation culturelle, la deuxième moitié du vingtième siècle a été marquée par l’absence de reconnaissance de l’existence du peuple amazigh par les Etats. Finalement, les leaders amazighs ont porté leur combat au siège des Nations Unies et ont été parmi lespremiers membres fondateurs de l’IPACC (Indigenous Peoples of Africa Co-ordinating Committee). [xi]

Le couronnement du Roi Mohammed VI a marqué une revitalisation des instances démocratiques au Maroc et le 17 octobre 20011 fut créé L’Institut royal de la culture amazighe, ou Ircam (ⴰⵙⵉⵏⴰⴳ ⴰⴳⵍⴷⴰⵏ  ⵜⵓⵙⵙⵏⴰ ⵜⴰⵎⴰⵣⵉⵖⵜ – Asinag Ageldan n Tussna Tamaziɣt). [xii] En 2011, la nouvelle constitution marocaine reconnaît, dans son préambule, officiellement l’identité amazighe et déclare la langue amazighe comme l’une des langues officielles du pays : [xiii]

‘’État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen.’’

Dans le même ordre d’idées, le 27 mai 1995, l’Algérie a créé le Haut-commissariat à l’amazighité –HCA- (Asqamu unnig n timmuzɣa’, SNM, ⴰⵙⵇⴰⵎⵓ ⵓⵏⵏⵉⴳ ⵏ ⵜⵉⵎⵓⵣⵖⴰ) [xiv] et a reconnu la langue amazighe comme l’une des langues officielles du pays.

Pour Salem Chaker l’évolution de Tamazight au Maroc et en Algérie n’est pas anodine : [xv]

‘’Des évolutions considérables, et à bien des égards étonnants, se sont produites à partir de 1990 en Algérie et au Maroc. Mutations institutionnelles puis juridiques qui n’avaient rien de très « naturel » ni de prévisible, si l’on considère le contexte idéologico-politique de l’Afrique du Nord sur la longue durée… La rupture qui s’amorce dans les années 1990 … et se confirme dans les constitutions en 2002 (Algérie) et 2011 (Maroc) est nette et importante. Le berbère qui faisait jusque-là l’objet d’une occultation complète, voire d’une hostilité déclarée, fait irruption dans la loi fondamentale. L’évolution n’est pas anodine et soulève de nombreuses questions.’’

En Tunisie, le soulèvement populaire (révolution du jasmin) a mis fin à des décennies de corruption et de manipulation électorale. L’ouverture de médias libres, la participation publique et l’organisation de la société civile ont également annoncé une nouvelle expression de l’identité amazighe en Tunisie, mais officiellement, toutefois la question amazighe continue à être occulté. Dans ce sens Amar Ben Tahar et Inès El-Shikh du North African Science & Technology Gateway situé à Genève en Suisse, ont écrit dans Le Monde un article intitulé : ‘’ La « berbétité » des Etats du Maghreb, la plus longue guerre froide de l’Histoire. Tour d’horizon en Afrique du nord sur la berbérité (amazighité)’’ : [xvi]

‘’La Tunisie est de loin le pays maghrébin le plus touché par le recul de l’amazighité (berbérité). Les estimations précises manquent, mais on évalue à moins de 2 % la population parlant encore le tamazight (la langue amazighe) alors que la plupart des Tunisiens sont d’origine amazighe, souvent sans le savoir – une minorité amazighophone et une majorité désamazighisée.’’

Et ils continuent à soutenir que :

‘’A l’origine de cette déculturation, la politique d’exclusion basée sur l’idéologie bourguibienne, un mélange de kémalisme et de panarabisme nassérien. Les Imazighen furent pour Bourguiba l’équivalent des Kurdes et des Arméniens pour Attatürk : des indésirables à la construction d’une république « moderne ». Hélas, en l’absence de régions dissidentes fortes à l’image du Rif au Maroc ou de la Kabylie en Algérie, cette politique d’exclusion ne laissa aucune chance aux Imazighen.’’

Pour conclure :

‘’La révolution de 2011 aurait pu offrir aux Imazighen une nouvelle chance, mais les nouvelles autorités sont tout aussi farouchement opposées à l’amazighité que les anciennes. Le président Marzouki a déclaré que les Imazighen devraient se considérer comme Arabes (et donc laisser tomber leurs revendications – étrange position pour un « militant des droits de l’homme »), le ministre de la culture, Mabrouk, a déclaré que l’amazighité était « exogène à la Tunisie » (signifiant ainsi aux Imazighen tunisiens qu’ils sont de fait des étrangers) et le ministre des affaires étrangères, Abdessalam, a déclaré que le Maghreb était arabe d’un point de vue « culturel, civilisationnel et géographique » (faisant fi des dizaines de millions d’Imazighen qui y vivent).’’

Malgré le problème politique non résolu et apparemment endémique en Libye, la communauté amazighe a tenté de combler le vide créé par quatre décennies de négligence de sa langue et de sa culture. Ce n’est que lorsque Kadhafi a perdu le contrôle de la Libye que les premières écoles et publications en tamazight sont apparues dans les villages amazighs. Au cours des dernières années, des livres scolaires amazighs ont été progressivement publiés et le tamazight est devenu une langue enseignée dans les écoles primaires et même dans les universités. Le campus de Zuwara accueille un département de tamazight. Créé en 2017, il a dû faire appel à des enseignants de tamazight venus du Maroc et d’Algérie. [xvii]

Fanack introduit les Imazighen de Libye comme suit : [xviii]

‘’The Amazighs, who are also referred to as Berber, are an indigenous group of North Africa. In Libya, although statistics are rare, estimates of their numbers range between less than 200,000 and up to 1.5 million, which would represent around a quarter of Libya’s 6.75 million population. Some estimate a more realistic figure between 500,000 and 750,000.

With a distinct culture from the country’s Arab majority, the culture and identity of the Amazighs has undergone a history of repression, particularly under the rule of Gaddafi, who saw them as a separatist threat to his crafting of the narrative of Arab unification in the region.

The distinct language of the Amazighs, known as Tamazight, was banned, as was the practice of giving children non-Arab names. As a result, Amazigh activists tread a precarious path, with many being imprisoned and even killed, and some accused of being spies.’’

[‘’Les Amazighs, que l’on appelle aussi Berbères, sont un groupe autochtone d’Afrique du Nord. En Libye, bien que les statistiques soient rares, les estimations de leur nombre varient entre moins de 200 000 et jusqu’à 1,5 million, ce qui représenterait environ un quart des 6,75 millions d’habitants de la Libye. Certains estiment un chiffre plus réaliste entre 500 000 et 750 000.

Avec une culture distincte de la majorité arabe du pays, la culture et l’identité des Amazighs ont subi une histoire de répression, en particulier sous le régime de Kadhafi, qui les considérait comme une menace séparatiste à son élaboration du récit de l’unification arabe dans la région.

La langue distincte des Amazighs, connue sous le nom de tamazight, a été interdite, tout comme la pratique consistant à donner aux enfants des noms non arabes. En conséquence, les activistes amazighs suivent un chemin précaire, beaucoup d’entre eux étant emprisonnés et même tués, et certains étant accusés d’espionnage.’’]

Le peuple touareg est un grand groupe ethnique berbère qui habite principalement le Sahara dans une vaste zone s’étendant de l’extrême sud-ouest de la Libye au sud de l’Algérie, au Niger, au Mali et au Burkina Faso.  On trouve également de petits groupes de Touaregs dans le nord du Nigeria. Les Touaregs parlent des langues du même nom (également connues sous le nom de tamasheq), qui appartiennent à la branche berbère de la famille afro-asiatique. Les Touaregs mènent un mode de vie nomade et/ou semi-nomade dans le Sahara central et les régions adjacentes du Sahel africain, où ils sont environ 1 262 000 au total. [xix]

De 2009 à 2012, le ressentiment sous-jacent ressenti par les Touaregs et d’autres groupes du nord a coïncidé avec des facteurs politiques pour déclencher une rébellion contre l’État malien, la déclaration d’indépendance de la région de l’Azawad et la reprise finale du nord par les forces françaises et maliennes. Dans la région du Sahel, notamment au Mali, la situation reste instable. L’Azawad, qui représente l’espoir des Touaregs, subit une pression négative de la part des pays voisins. [xx]

Peuple touareg
Peuple touareg

En raison des changements géopolitiques en Afrique du Nord, les objectifs du Mouvement culturel amazigh, qui est d’établir une identité amazighe forte afin de protéger la diversité linguistique et culturelle dans la région, deviennent lentement une réalité. La prochaine décennie semble être un âge d’or pour l’identité amazighe car elle offre une arme puissante dans la lutte contre le fanatisme religieux dans la région. [xxi]

Trinité culturelle amazighe

Il y a spécifiquement et exclusivement trois thèmes principaux dans la culture amazighe qui sont définis comme une trinité importante et primordiale dans son système des valeurs et sont facilement identifiables dans la culture nord-africaine d’aujourd’hui. Ces thèmes ont transcendé la culture amazighe et ont été largement acceptés comme des concepts de base de l’identité.

La trinité en question s’articule autour des notions suivantes :

  • L’importance de la langue comme véhicule de la culture et marqueur principal de l’identité (tamazight/awal) sur à la fois le plan de la communication et de la perpétuation de l’histoire ;
  • L’omniprésence du système fort et indivisible de la parenté et de l‘appartenance à la famille étendue (ddam/tamount) qui s’exprime par la solidarité et la coexistence, et ;
  • La forte connexion à la terre et l’identification avec ces bienfaits et la croyance en sa sacralité (akkal/tammourt/tamazirt) qui est forte aussi chez d’autres peuplades du pourtour méditerranéen.[xxii]

Le thème le plus évident, qui est présent dans la communauté amazighe, est l’importance de la langue dans la société, la civilisation et le vécu. Quand on contemple la culture du peuple amazigh, il y a une corrélation claire entre la pertinence de la langue et la préservation de la civilisation et des traditions millénaires (voir la tradition des Maitres Musiciens Jahjouka au nord-est du Maroc). Leur musique de transe et leur théâtre anthropologique a traversé quatre mille ans d’histoire sans égratignure aucune.[xxiii]

L’histoire et le système de croyances du peuple amazigh ont été préservés de façon orale de père en fils ; où une génération transmettait l’histoire, la sagesse et les lois (azref) [xxiv] à une autre, de façon automatique par le biais de la langue maternelle, puissant véhicule linguistique.[xxv] En réalité, malgré l’existence de différents dialectes amazighes distincts, l’histoire et les lois du peuple amazigh se sont synchronisées et ont survécu à d’innombrables invasions à travers sa longue histoire de huit milléniums.

L’idée d’un état-nation était un concept étranger des envahisseurs de l’Occident que les autochtones Amazighs avaient rejeté avec vigueur. Pour les Amazighs, on admet que les similitudes entre les hommes ne sont pas définies par des lignes imaginaires mais plutôt par une identité qui découle d’une langue commune, d’une histoire partagée (tamount).

Cependant, l’idée de parenté qui se manifeste à travers des personnes liées par le sang, le vécu et l’histoire accuse une distinction pertinente entre la culture amazighe dans le sens que le système communautaire amazigh met l’accent sur la notion de la matriarche comme personne-pivot de la famille imprégnée de valeurs démocratiques, alors que la culture nord-africaine, de substrat arabe, préfère une patriarchie, très forte et sans partage.

Chez les Amazighs les liens de sang (ddam) sont sacrés dans le mariage, dans la paternité et les appartenances familiales. En effet, deux tribus signent leur alliance par un mariage. Le sang dans le contexte du sacrifice et aussi signe de réconciliation, de demande de pardon et de respect, tagharst (tradition sacrificielle).

Les femmes amazighes protectrices de la langue amazighe

L’oralité des femmes analphabètes est un facteur majeur dans la survie de tamazight, car elles utilisent cette langue dans la communication domestique, élevant enfants, et en répétant des histoires folkloriques, des poèmes, des proverbes, des chansons et des histoires familiales et culturelles. Comme la langue maternelle, le tamazight et les langues amazighes apparentées, n’est pas la langue d’enseignement dans l’enseignement formel, il incombe aux femmes amazighes de transmettre la connaissance de la langue maternelle aux générations suivantes. Et en tant que principales personnes s’occupant des enfants, les femmes sont le premier lien des enfants avec le tamazight, ce qui confère à la langue son statut de langue maternelle  et consolide sa longévité malgré son manque de représentation dans la sphère publique.[xxvi]

Une autre raison pour laquelle les femmes peuvent être considérées comme les principaux acteurs de la préservation du tamazight se trouve dans leur rôle connexe de gardiennes de la culture. [xxvii] En plus de gérer leur foyer et d’élever leurs enfants, les femmes jouent un rôle essentiel dans la préservation du patrimoine artistique et culturel amazigh grâce à leur travail dans des domaines tels que le textile, la musique, la poésie et la danse.[xxviii]

Là encore, les femmes analphabètes sont particulièrement importantes car elles insufflent à ces arts des traditions orales transmises de génération en génération. Par exemple, les femmes donnent des noms tamazight aux motifs de leurs textiles et les transmettent à leurs filles.[xxix] Les noms varient en fonction de la similitude que le tisserand imagine entre le motif et les objets environnants ou le monde naturel, de sorte qu’un même motif peut porter une multitude de noms tamazight descriptifs pour différents artistes et familles.[xxx]

Fanack.com écrit à ce propos :[xxxi]

“Les femmes sont valorisées en tant que gardiennes de la langue et de la culture berbères, essentielles à la construction de l’identité. La construction et la préservation de l’identité à travers l’art est également au cœur de l’action religieuse et spirituelle des femmes berbères. Par leurs expressions artistiques, les femmes contrôlent non seulement les mariages comme moyen de préserver le caractère sacré de la spécificité culturelle au milieu de puissantes influences sociétales, telles que la modernisation, qui affectent rapidement leur vie, mais elles tissent également des tapis, fabriquent des tentes et des poteries, décorent le visage, les mains et les pieds au henné et brodent des vêtements qui renforcent l’identité ethnique berbère. Par l’art et la transmission mère-fille, les femmes berbères relient le passé au présent. “

Une autre raison pour laquelle les femmes peuvent être considérées comme les principaux acteurs de la préservation de tamazight se trouve dans leur rôle connexe de gardiennes de la culture. En plus de gérer leur foyer et d’élever leurs enfants, les femmes jouent un rôle essentiel dans la préservation du patrimoine artistique et culturel amazigh grâce à leur travail dans des domaines tels que le textile, la musique, la poésie et la danse.

Sur ce point, Fanack.com écrit aussi :[xxxii]

“Les femmes sont valorisées en tant que gardiennes de la langue et de la culture berbères, essentielles à la construction de l’identité. La construction et la préservation de l’identité à travers l’art est également au cœur de l’action religieuse et spirituelle des femmes berbères. Par leurs expressions artistiques, les femmes contrôlent non seulement les mariages comme moyen de préserver le caractère sacré de la spécificité culturelle au milieu de puissantes influences sociétales, telles que la modernisation, qui affectent rapidement leur vie, mais elles tissent également des tapis, fabriquent des tentes et des poteries, décorent le visage, les mains et les pieds au henné et brodent des vêtements qui renforcent l’identité ethnique berbère. Par l’art et la transmission mère-fille, les femmes berbères relient le passé au présent. “

Le chant et la danse ont des traditions orales similaires : des mouvements spécifiques ont également une appellation amazighe descriptive en fonction des actions qu’ils invoquent, et les paroles des chansons ne sont jamais écrites mais plutôt transmises oralement sur plusieurs générations.[xxxiii]

La poésie pour la revitalisation du patrimoine amazigh

La poésie est l’un des nombreux domaines dans lesquels la revitalisation du patrimoine amazigh s’est avérée très fructueuse. Les isfera : Poemes de Si Mohand-ou-Mhand de Mouloud Mammeri [xxxiv] et ash-Shicr al-amāzīghī al-mansūb ilā sīdī ḥammû (Poésie amazighe attribuée à Sidi Hammou) d’Omar Amarir [xxxv] sont des piliers de la conscience littéraire amazighe.

La famille de Si Mohand a été persécutée par les Français et a perdu, en cours de route, sa richesse, son autorité et son statut social. Si Mohand, selon la légende, a reçu une révélation et a fait la promesse de ne plus jamais prononcer le même poème. Menant une vie de bohème, Si Mohand s’est immergé dans toutes sortes de plaisirs, accélérant son itinérance et son errance. L’ivresse était essentielle à ses improvisations poétiques fluides.

Si Mohand est une version du poète légendaire du XVIIIe siècle Sidi Hammou Taleb, [xxxvi] connu également sous le nom de Bāb n Umarg (le propriétaire de la poésie), la vie de Sidi Hammou est enveloppée de mythes et de légendes. Selon la tradition, il était un étudiant qui apprenait le Coran et montrait un génie précoce pour la poésie. Ses poèmes sont pleins de sagesse et transmettent des leçons sur toutes sortes d’expériences de la vie. Si Mohand et Sidi Hammou ont tous deux utilisé leur poésie pour donner des conseils, chanter la sagesse et aider leurs sociétés à apprendre les vicissitudes du temps. Plus important encore, ils ont produit suffisamment de poèmes pour constituer une banque de données sur la poésie orale en langue amazighe, aidant ainsi les chercheurs à réfléchir au lien entre oralité et écriture dans la littérature amazighe.

Que les lecteurs aient l’idée que seuls les hommes composaient de la poésie, on s’empresse d’ajouter que Taougrat Oult Aissa, [xxxvii] la poétesse aveugle du Moyen-Atlas, a donné du fil à retordre au colonialisme à travers ses poèmes :

Tamazirt-nnex d uǧan iɣelyasen s uburez

Ur asen telli i wi d-itẓallan xef iblis

Mec i-nɣan s wass

G yiḍ ad ten teẓẓeɛ tawikt-inu

Notre terre, que des guépards nous ont léguées avec fierté

N’ira pas aux adorateurs de Satan.

S’ils nous tuent le jour

La nuit, nos ombres les chasseront.

Lsan-d wuccann taḍuţ ddun-d jaj n lmal

Han amksa da isksiw ur ufin ad isɣuyy.

De peaux d’agneaux les loups sont affublés, ils ont

Pénétré au milieu du troupeau

Le berger impuissant est incapable de décrier le désastre !

Adday nni ddux s acal a jahennam

Teṣberd ad zzurex tadist

Ad tewwet (Tewwted) a yirgis iṣeṛman

Nna d-iḥrey buheyyuf s bujuṛ.

Lorsque je serai enterrée, ô enfer

Brûle mon ventre en premier !

Que les braises dévorent mes viscères

Que la famine a conduit vers les roumis !

Beaucoup de choses ont changé en Tamazgha entre le début des années 1900 et notre époque. Pourtant, les écrivains amazighs ont cette histoire littéraire à laquelle ils peuvent se référer dans leur pratique littéraire. Contrairement à l’évaluation des chercheurs coloniaux qui estimaient que la littérature amazighe n’avait aucune valeur esthétique, [xxxviii] les formes littéraires indigènes, en sous-tendant l’innovation littéraire amazighe actuelle, ont joué un rôle plus crucial que toute recherche superflue d’une esthétique insaisissable.

Dans le Rif, durant la période de la guerre de Ben Abdelkrim contre le colonialisme espagnol et français, les bardes faisaient usage de la poésie des Izrân pour encourager les combattants sur les différents fronts de guerre pendant la Guerre du Rif (1921-1926). [xxxix]

La littérature amazighe est avant tout une déclaration d’existence, une voix qui exprime une vision du monde amazighe ancrée dans une expérience existentielle. Les créateurs amazighs généraient une esthétique qui répondait avant tout aux besoins de leur société dans une langue et une rhétorique compréhensible pour leur peuple. Sans enlever aux érudits coloniaux le rôle essentiel, bien qu’intéressé, [xl] qu’ils ont joué dans la préservation et la restauration de la langue et de la culture amazighe, leur projection d’une conception euro-centrique de la beauté esthétique et linguistique sur une sphère littéraire qui avait ses propres conventions était tout simplement préjudiciable au peuple dont ils banalisaient l’expression culturelle.

Les Imazighen valorisaient et valorisent encore lmacna (production de sens abstrait), l’euphémisme, les messages indirects et le discours alambiqué. Vivant dans des contextes dangereux, ils ont dû inventer un métalangage à l’intérieur de la langue parlée pour transmettre un sens sans être explicite ; pour exprimer des opinions sans être tenus responsables de tout crime de parole.

Tamazight est la mémoire vivante de l’Afrique du Nord

La plupart des documents manuscrits qui subsistent sont des textes berbères (essentiellement religieux), enregistrés à l’aide de l’alphabet arabe entre le XVe et le début du XXe siècle. L’étude des conditions de leur création et des domaines de leur application montre que ces textes ont joué un rôle important dans la diffusion des connaissances religieuses et scientifiques chez les Amazighs. Il est conclu que malgré l’utilisation de la forme orale prédominante de la langue, les Imazighen ont réussi à créer une tradition écrite unique. [xli]

L’inégalité dans les rapports de force et la marginalisation économique et politique des régions amazighes/berbérophones dans les états postcoloniaux d’Afrique du Nord ont conduit certains militants à revendiquer le statut de « minorité ». Par exemple, l’association Tamaynut et l’un de ses principaux fondateurs, Hassan Id Belkassem, ont lié leurs demandes de reconnaissance de la langue amazighe/berbère au Maroc à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique et au statut juridique et à la définition de « peuple autochtone minoritaire » des Nations unies. [xlii]

D’autre part, la plupart des militants refusent d’être considérés comme une minorité et d’être confinés par la définition de celle-ci. En prenant comme point de départ l’histoire de l’arabisation du Maghreb, une telle position affirme que les Imazighen/Berbères ne peuvent pas être présentés comme une minorité, car la majorité de la population nord-africaine est composée de Berbères arabisés qui ont « perdu » leur langue d’origine.

Par conséquent, dans une telle approche, les Imazighen/Berbères sont de facto la majorité. Se présentant comme le peuple « autochtone » d’Afrique du Nord, préexistant au processus d’arabisation, les militants contestent leur minorisation à l’intérieur de leurs frontières nationales. Une approche transnationale d’une identité pan-amazighe/berbère s’est également développée.

Une idée très répandue parmi les activistes amazighs est leur affiliation à Tamazgha, un espace culturel autochtone nord-africain, qui a été créé par le peuple amazigh, politiquement et territorialement unifié, que l’on espère pour l’avenir.

Les manuscrits religieux écrits en amazigh comme langue de la cour impériale du temps des Almoravides et Almohades s’opposent aux stéréotypes de l’amazigh comme une langue exclusivement orale et comme une langue réduite à une situation minoritaire depuis l’islamisation et l’arabisation du Maghreb. Par ailleurs, l’analyse littéraire montre que la poésie et les récits oraux amazighs sont solidement ancrés dans leur vernaculaire et leur territoire.

Les emprunts lexicaux (à l’arabe et, dans une moindre mesure, au français) dans les récits racontés en amazigh et recueillis depuis le XIXe siècle sont autant d’indices de l’existence d’une culture amazighe solide qui est le répertoire incontesté de la mémoire de Tamazgha.

Manuscrit en langue Tamazight
Manuscrit en langue Tamazight

Défis à la préservation de Tamazight

Le plus grand défi pour la préservation de la langue et de la culture amazighes est le manque de mise en œuvre. [xliii] Cela inclut un manque d’enseignants formés qui n’enseignent que tamazight et un manque de ressources matérielles des étudiants et des enseignants. [xliv]

Pour Boukous, les mesures de revitalisation de Tamazight sont urgentes : [xlv]

‘’Les mesures d’aménagement de l’amazighe sont d’autant plus urgentes que des pratiques pour le moins approximatives investissent le domaine amazigh. Les initiatives relatives à la confection des lexiques, des glossaires et des terminologies que l’on trouve sur le marché aboutissent le plus souvent à introduire la confusion dans un champ singulièrement marqué par l’amateurisme, jusqu’à une date récente. Il ne saurait en être autrement si les résultats de ces initiatives ne sont pas pris en charge par les relais institutionnels qui en valident la qualité et en assurent la diffusion. Par exemple, les néologismes proposés par les uns et les autres en matière de terminologie des médias n’ont pas résisté face à la terminologie adoptée par les professionnels de la radio et de la télévision (v. les bulletins d’information). La concurrence est évidemment déloyale entre les termes produits par les amateurs et les technolectes improvisés par les professionnels, ces derniers étant assurés d’une large diffusion grâce aux médias audio et audiovisuels où ils officient. L’idéal serait qu’il y ait une collaboration étroite entre l’IRCAM, qui est l’institution officielle habilitée à réaliser l’aménagement de l’amazighe, et les professionnels de l’enseignement, de la culture et des médias afin que la terminologie élaborée puisse être implantée avec succès dans les secteurs appropriés. ‘’ 

En outre, il y a une stigmatisation sociale négative attachée à Tamazight qui doit être éliminée dans un effort conscient et une disparité entre les recherches qui ont été effectuées par des institutions et les mesures de mise en œuvre qui ont été prises par les différents pays de l’Afrique du Nord. [xlvi]

En dehors des questions de ressources et d’accessibilité, il y a ceux qui sont complètement opposés à l’enseignement de Tamazight. Ces opposants avancent l’argument suivant : les pays de Tamazgha ont déjà un paysage linguistique complexe avec des étudiants apprenant le Fus’ha (Arabe standard) et le français et que s’il est nécessaire pour les étudiants d’apprendre une troisième langue, ce devrait être une langue globale comme l’anglais.

De plus, beaucoup de ceux qui sont contre l’enseignement de Tamazight croient qu’elle n’a aucune valeur fonctionnelle réelle et qu’elle n’est incluse dans le programme d’études qu’à titre symbolique.

Bien que la langue amazighe ait été reconnue par certains états d’Afrique du Nord, il est également important de se rappeler que ces états peuvent utiliser la reconnaissance comme un outil politique et comme un moyen de maintenir la paix et le soutien aux régimes pendant les périodes d’instabilité.

Par conséquent, bien que les gouvernements aient pu inclure les Amazighs dans la constitution, il ne s’agissait peut-être pas d’un simple acte de bonne volonté, mais d’un geste soigneusement calculé pour conserver le soutien de la population amazighe dans une période d’instabilité dans toute la région nord-africaine.

Un autre point important à prendre en considération est le choix du Maroc d’utiliser le Tifinagh comme script/alphabet pour la standardisation de l’amazigh alors que l’Algérie a également décidé de reconnaître l’amazigh comme langue officielle et de le normaliser, mais elle a choisi d’utiliser l’écriture arabe.

Bien qu’il y ait probablement de nombreuses d’explications possibles pour ce choix, il semble que le choix de différentes écritures et la création de différentes langues standardisées empêchent les nombreuses communautés amazighes de l’Afrique du Nord de créer une seule grande communauté linguistique dans l’espace Tamazgha.

Cette mesure préventive peut également être considérée comme une manœuvre politique visant à empêcher la création d’une communauté ayant des objectifs politiques communs et qui pourrait perturber l’ordre public et la pérennité des États-nations déjà formés en Afrique du Nord.

Développer l’éduction dans Tamazgha

L’importance de l’éducation a été soulignée par un certain nombre de conventions internationales, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement de 1994. [xlvii] La quatrième conférence mondiale sur les femmes, qui s’est tenue à Pékin en 1995, a reconnu que l’alphabétisation des femmes était essentielle pour leur permettre de participer aux décisions de la société et d’améliorer le bien-être des familles. [xlviii] En outre, les Nations Unies ont défini les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), [xlix] qui comprennent des objectifs d’amélioration de l’éducation, d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes. Les OMD soulignent le rôle essentiel de l’éducation dans la construction de sociétés démocratiques et la création des bases d’une croissance économique soutenue. [l]

L’éducation contribue directement à la croissance du revenu national en améliorant les capacités productives de la main-d’œuvre. Une étude récente portant sur 19 pays en développement, dont l’Égypte, la Jordanie et la Tunisie, a conclu que la croissance économique à long terme d’un pays augmente de 3,7 % par année d’augmentation du niveau moyen de scolarisation de la population adulte. [li]

L’éducation est donc une stratégie clé pour réduire la pauvreté, en particulier dans la région MENA, où la pauvreté n’est pas aussi profonde que dans d’autres régions en développement. [lii] Selon le Fonds des Nations Unies pour la population -UNFPA-, les pays qui ont fait des investissements sociaux dans la santé, la planification familiale et l’éducation ont une croissance démographique plus lente et une croissance économique plus rapide que les pays qui n’ont pas fait de tels investissements. [liii]

Dans une économie mondiale de plus en plus ouverte, les pays présentant des taux élevés d’analphabétisme et des écarts entre les sexes en matière de niveau d’éducation ont tendance à être moins compétitifs, car les investisseurs étrangers recherchent une main-d’œuvre à la fois qualifiée et bon marché. Diverses tendances mondiales posent des défis particuliers aux femmes analphabètes ou ayant une éducation limitée. L’orientation des économies vers l’exportation et l’importance croissante des petites et moyennes entreprises créent des opportunités pour les femmes, mais celles-ci ont besoin de l’éducation et de la formation appropriées pour en tirer pleinement parti.

En outre, les avantages de l’éducation des femmes pour l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes sont largement reconnus :

  • Lorsque l’éducation des femmes augmente, la fécondité, la croissance démographique et la mortalité infantile et juvénile diminuent et la santé des familles s’améliore.
  • L’augmentation de la scolarisation des filles dans le secondaire est associée à une augmentation de la participation des femmes à la main-d’œuvre et de leur contribution au revenu du ménage et au revenu national.
  • L’augmentation de la capacité de gain des femmes a, à son tour, un effet positif sur la nutrition des enfants. [liv]
  • Les enfants – en particulier les filles – de mères instruites sont plus susceptibles d’être scolarisés et d’avoir un niveau d’instruction plus élevé.
  • Les femmes éduquées sont plus actives politiquement et mieux informées de leurs droits légaux et de la manière de les exercer.

Stratégie d’alphabétisation fonctionnelle des adultes (AFA) dans Tamazgha

La qualité d’une nation, disons-le, dépend de la qualité des compétences, des capacités et des idéaux de ses habitants. L’alphabétisation l’améliore. Elle est un moyen d’accomplissement et de développement personnel. Être analphabète est un énorme handicap intellectuel, politique et économique.  Toutefois, cela n’empêche pas de développer des politiques adaptées à la situation particulière des régions. Souvent, les politiques et stratégies nationales d’éducation des adultes n’abordent pas suffisamment le contenu et la méthode de l’éducation des adultes dans diverses communautés.

Les interventions éducatives dans ces communautés nécessitent une bonne compréhension des conditions sociales, culturelles et économiques qui les affectent directement, ainsi que de leurs besoins et circonstances particulières. Sur la base de la structure nationale de l’éducation des adultes, le gouvernement devrait créer un département/commission distinct et un organisme de surveillance au niveau national. Cet organisme devrait avoir un statut juridique et s’impliquer intensivement dans les questions liées à l’éducation des adultes au niveau de la base. Il devrait également être chargé de formuler et de coordonner les programmes d’éducation des adultes, et être responsable du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre des politiques et programmes pertinents pour l’éducation pastorale des adultes dans les différentes régions.

L’éducation fonctionnelle des adultes ne devrait pas seulement être conçue pour permettre à la base de lire et d’écrire et d’effectuer des calculs simples (3 Rs), mais aussi pour lui enseigner des compétences de base pouvant être utilisées dans la vie quotidienne. Le programme d’études devrait être élaboré sur la base d’une connaissance détaillée et solide de leur mode de vie et de l’environnement social et physique des personnes concernées. Il devrait leur permettre de faire face aux défis de la vie quotidienne et de contribuer à la diversification économique et à la réduction de la pauvreté dans leurs communautés locales ainsi qu’au niveau national.

Le programme AFA proposé doit aplanir une certaine distorsion entre les discours politiques et les demandes sociales et individuelles des populations ; distorsion qui conduit à proposer un programme d’alphabétisation uniforme aux objectifs précis et limités qui s’avère inadapté à la variété des motivations exprimées. Il ne s’agit pas de dire que le gouvernement doit proposer des programmes adaptés à l’ensemble des motivations évoquées. Toutefois, il pourrait être opportun de diversifier l’offre afin de mieux répondre aux besoins, notamment de formation continue et d’insertion professionnelle, exprimés par certains des bénéficiaires.

L’approche AFA met également en évidence le fait que les motivations varient selon le lieu, l’âge et le sexe. Les jeunes hommes en milieu urbain attendent de cette immersion plus de socialisation et de formation qualifiante, tandis que les femmes sont plus intéressées par une ouverture sur le monde et une recherche de repères. Certains opérateurs, notamment les ONGs, annoncent, en plus du programme d’alphabétisation, la possibilité d’apprendre un métier. Il s’agit très souvent de métiers de couture et de broderie, principalement pour les femmes. Bien que ces compétences puissent être acquises par d’autres activités, ce côté fonctionnel de l’alphabétisation continue de servir d’appât car il est susceptible d’attirer les bénéficiaires.

Le programme

Le programme d’alphabétisation fonctionnelle des adultes (AFA) est conçu en fonction des moyens de subsistance et des besoins des apprenants. Outre l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, la formation comprend une forte composante professionnelle afin de faire comprendre aux apprenants l’importance de l’alphabétisation pour améliorer leurs moyens de subsistance. [lv]

Le programme s’adresse à toute personne âgée de 15 ans ou plus qui n’a pas reçu d’éducation formelle dans son enfance, y compris les hommes et les femmes, les personnes âgées et les jeunes, ainsi que des groupes spécifiques de personnes marginalisées comme les prisonniers, les handicapés, les indigents et les minorités ethniques.

Un aspect important du projet est le microcrédit pour soutenir l’établissement et la durabilité des activités génératrices de revenus à la fin du programme d’alphabétisation.

Buts et objectifs :

On a identifié les objectifs suivants pour le programme :

– Réduire l’analphabétisme des adultes ;

– Doter les apprenants de compétences essentielles pour le développement personnel et communautaire ;

– Renforcer les capacités pour des activités génératrices de revenus et l’autonomie de la communauté ;

– Donner aux bénéficiaires et à leurs familles les moyens d’améliorer leurs conditions et leur qualité de vie ;

– Donner aux jeunes et aux adultes un accès équitable et adéquat à l’alphabétisation ;

– Créer une culture de l’apprentissage tout au long de la vie parmi les apprenants adultes, et ;

– Donner aux groupes sociaux marginalisés et vulnérables les moyens de participer pleinement en tant que partenaires du développement.

Méthodes et approches d’enseignement et d’apprentissage :

Le principe de base du programme AFA est qu’il doit être directement lié au mode de vie et aux besoins de la population. Le programme encourage les instructeurs à adopter une approche flexible, pratique et pertinente qui leur permettra de concilier les objectifs d’alphabétisation et de vie quotidienne des apprenants et de parvenir à un renforcement significatif des capacités.

Cependant, le manque de ressources constitue un obstacle majeur aux approches d’enseignement-apprentissage utilisées. Les communautés locales ne disposent pas des fonds nécessaires pour équiper les instructeurs, et les participants sont souvent trop pauvres pour fournir le matériel pédagogique nécessaire. En conséquence, on a tendance à revenir à l’approche théorique traditionnelle.

C’est pourquoi il est important de concevoir les manuels de manière à y intégrer les problèmes et situations réels vécus par les participants. Pour souligner la pertinence des textes, certains formateurs ont rapporté, dans certains environnements spécifiques, des réactions très fortes de la part d’apprenants qui, ignorant l’ampleur des problèmes, pensaient que le texte faisait une référence très personnelle à leur propre situation.

La création d’un comité de classe d’alphabétisation, en tant que forum de discussion des problèmes des participants et du comité, est une composante essentielle du programme. Ce cadre donne aux participants l’occasion d’appliquer leurs nouvelles connaissances et compétences et offre un environnement rassurant pour prendre confiance et affirmer leur leadership.

En outre, le programme comprend une composante de microcrédit destinée à encourager les diplômés à appliquer leurs compétences en créant des activités génératrices de revenus.

Suivi et évaluation :

Le gouvernement et les ONGs impliquées dans le programme doivent mener de nombreuses activités de suivi et d’évaluation. Les rapports d’évaluation à mi-parcours sont utilisés pour réviser et améliorer les programmes individuels, tandis que les évaluations finales sont présentées aux autorités et aux donateurs, qui décident alors de continuer à les financer ou non.

Le processus d’évaluation commence par un court atelier, animé par des évaluateurs externes, pour expliquer aux participants et aux instructeurs la nécessité de l’évaluation et les méthodologies à utiliser.

Les évaluations sont organisées de manière participative afin de permettre à chacun de maîtriser les impacts et les défis inhérents à la phase finale de la mise en œuvre du projet.

Les évaluations couvrent les aspects suivants :

L’accès : le groupe cible est-il atteint ou non ; le nombre d’apprenants inscrits ; et le nombre de classes d’alphabétisation fonctionnelle.

Qualité : disponibilité et pertinence du matériel d’apprentissage et d’instruction ; nombre d’instructeurs actifs et qualifiés ; méthodes locales d’évaluation des résultats d’apprentissage ; nombre d’apprenants ayant acquis des compétences de base.

Efficacité : efficacité des ressources financières ; capacité institutionnelle ; et liens avec d’autres institutions locales et nationales.

Équité : participation et composition sociale des apprenants.

Impact : application des compétences acquises en dehors de la salle de classe ; changements dans les modes et conditions de vie ; changements dans les attitudes des apprenants concernant les perspectives modernes sur des sujets tels que les droits de l’homme, la protection de l’environnement et les risques sanitaires.

Défis

L’engagement des participants reste l’un des principaux défis du programme AFA. De nombreux facteurs empêchent les gens de venir aux cours, le principal obstacle étant l’argent. Bien que la formation soit gratuite, de nombreux membres du groupe cible ne peuvent pas abandonner leurs activités de subsistance pour suivre les cours. En outre, beaucoup craignent l’application ultérieure de frais de scolarité, comme cela a été le cas avec des programmes similaires précédents.

Pour d’autres, la peur de l’embarras est l’obstacle à la participation. Beaucoup pensent qu’en participant aux cours du AFA, ils démontrent leur statut d’analphabète et leur rang inférieur dans la communauté. La peur de l’embarras est un obstacle particulier pour les membres les plus âgés de la communauté et pour les hommes, pour qui le déshonneur de participer au AFA dépasse de loin ses avantages potentiels.

En raison des obstacles à la participation des analphabètes, de nombreux apprenants du AFA sont en fait des personnes partiellement alphabétisées qui cherchent à améliorer leur éducation. Déjà conscients des avantages de l’éducation formelle, ils viennent au programme AFA pour profiter du développement des compétences offertes par le concept d’alphabétisation fonctionnelle. Le non-ciblage du public spécifique visé est donc l’un des plus grands défis du programme. De même, la majorité des participants ne proviennent pas des couches sociales les plus pauvres, qui n’ont ni le temps ni les ressources pour suivre des cours dont ils ne comprennent pas l’importance.

Les contraintes budgétaires constituent probablement le plus grand défi auquel le programme est confronté. En raison du manque de ressources, plus des deux tiers des cours AFA n’ont pas de site fixe et se déroulent à l’extérieur. De plus, le matériel didactique étant très limité, l’absence de certains supports pédagogiques entrave l’approche interactive prônée par les programmes AFA et l’enseignement repose largement sur les manuels. De plus, le manque de financement pèse lourdement sur la qualité de l’enseignement. Les instructeurs ne reçoivent pas de salaire ou d’incitations pour leur travail et la plupart ne sont pas correctement formés. Il en résulte une rotation fréquente des instructeurs, qui sont souvent mal préparés, démotivés ou absents. Cette situation nuit grandement à la nature constructive de l’environnement d’apprentissage et affecte l’efficacité du programme.

Le manque de matériel a également un impact négatif sur les diplômés du programme AFA. Il y a un manque notoire de matériel de lecture post-alphabétisation dans les langues locales, et les diplômés n’ont pas la possibilité de poursuivre leurs études comme beaucoup d’entre eux le souhaitent.

Développement de matériels de formation et d’apprentissage

Le matériel d’apprentissage AFA doit être développé par une équipe d’universitaires et d’instructeurs. Il doit être basé sur les tendances et les réalités pédagogiques du terrain.

Le matériel AFA s’appuie sur trois ouvrages complémentaires :

Manuel de l’enseignant : ce manuel du formateur très structuré explique les objectifs et les activités à réaliser en classe.

Manuel de lecture de l’enseignant : ce livre de base explique la méthodologie et les activités du programme.

Livre de cours de l’étudiant : ce pendant du manuel du maître contient des images, des textes et des exercices pour les participants.

Cahier d’exercices de l’étudiant : d’autres matériels seront également disponibles pour des exercices supplémentaires de lecture, d’écriture et d’arithmétique.

Gestion des ressources humaines

AFA doit disposer d’une équipe pédagogique de base composée de trois spécialistes basés à son siège. Elle est principalement responsable de la planification, de la mise en œuvre et du suivi des activités. Elle est soutenue par douze maîtres formateurs lors des séminaires de formation et des activités de supervision, tandis que 24 coordinateurs encadrent les volontaires dans les différents sites. Les formateurs volontaires doivent avoir au moins un diplôme d’études secondaires, mais aucune expérience de l’enseignement n’est requise.

Les maîtres formateurs et les coordinateurs sont des semi-professionnels à temps partiel. Ils sont souvent sélectionnés parmi les meilleurs instructeurs bénévoles. Les maîtres formateurs sont formés par le biais de séminaires et de formations pratiques.

La formation initiale des coordinateurs comporte deux niveaux : gestion et supervision des volontaires et du terrain. Les volontaires suivent une formation de trois semaines pour apprendre la philosophie du programme, le programme technique, l’orientation sur le terrain et les techniques de communication.

Activités de mobilisation et de sensibilisation

La sensibilisation et la mobilisation autour de l’alphabétisation sont des activités importantes du AFA. Des affiches, des brochures, des programmes de radio et de télévision doivent être utilisés pour recruter des bénéficiaires et des volontaires et mobiliser les communautés. Des briefings communautaires et des sessions d’information doivent être organisés périodiquement pour sensibiliser les parties prenantes et les dirigeants locaux.

Durabilité

Le programme AFA est une initiative gouvernementale bien établie, avec une solide infrastructure organisationnelle décentralisée qui devrait favoriser sa durabilité. Cependant, les difficultés à conserver un personnel formé et motivé restent la plus grande menace.

Durée

Les participants bénéficient de deux niveaux de formation d’une durée de 24 mois (600 heures),

Niveau 1 : Autonomisation (300h) : Permet le développement des compétences de base telles que la lecture, l’écriture et l’arithmétique (3Rs).

Niveau 2 : Qualification (300h) : Permet le renforcement des compétences professionnelles (création et gestion de coopératives et d’entreprises, hygiène et sécurité, droits politiques, questions relatives aux femmes, etc.)

Leçons apprises

– Un investissement accru dans la formation et la motivation matérielle des instructeurs permettrait de rendre les cours plus efficaces et le programme plus efficient.

– Des efforts doivent être faits pour sensibiliser aux avantages du programme et protéger la vie privée des apprenants afin d’attirer davantage de membres du groupe cible.

– Pour les prestataires de services, les instructeurs et les donateurs, les émissions de radio régulières sont des moyens très efficaces et innovants pour mobiliser les apprenants.

– Les ONGs ont montré qu’elles pouvaient apporter un soutien considérable aux programmes d’alphabétisation des adultes initiés par le gouvernement.

– Fournir une variété de supports d’apprentissage et de post-alphabétisation dans les langues locales est très important pour justifier la pertinence de l’éducation des adultes et promouvoir la rétention et l’application continue des compétences acquises.

Conclusion : Pourquoi est-il important de protéger et de revitaliser les langues autochtones ?

Parmi les langues les plus parlées dans le monde, l’anglais est la troisième après le chinois mandarin et l’espagnol. Mais l’anglais est la première langue la plus utilisée dans le monde dans la vie courante et sur Internet. À mesure que l’accessibilité au monde numérique se développe, l’anglais en tant que langue se répandra également.

Préserver les langues indigènes Toutes les langues seront touchées, mais celles qui sont déjà menacées le seront le plus, car les jeunes parlent couramment la langue de l’internet et non leur langue maternelle ; l’impact sera aggravé par les générations suivantes.

De nombreuses langues indigènes sont en danger dans le monde et le taux de disparition est estimé à une langue toutes les deux semaines.[lvi]

“Between 1950 and 2010, 230 languages went extinct, according to the UNESCO Atlas of the World’s Languages in Danger. Today, a third of the world’s languages have fewer than 1,000 speakers left. Every two weeks a language dies with its last speaker, 50 to 90 per cent of them are predicted to disappear by the next century.”

[« Entre 1950 et 2010, 230 langues se sont éteintes, selon l’Atlas des langues en danger dans le monde de l’UNESCO. Aujourd’hui, un tiers des langues du monde ont moins de 1 000 locuteurs. Toutes les deux semaines, une langue meurt avec son dernier locuteur, 50 à 90 % d’entre elles devraient disparaître d’ici le siècle prochain. »]

La langue est le fondement d’une culture. Pour les sociétés orales indigènes, les mots renferment des connaissances accumulées pendant des millénaires. Une langue contient également les histoires, les chansons, les danses, les protocoles, les histoires familiales et les liens.

Lorsqu’une langue disparaît, le lien avec le passé culturel et historique disparaît également. Sans ce lien crucial avec leur histoire linguistique et culturelle, les gens perdent leur sentiment d’identité et d’appartenance.

Les peuples indigènes observent leur environnement et en parlent depuis des temps immémoriaux. Toutes ces connaissances, conservées dans la langue, constituent une source inestimable d’informations sur l’histoire de l’environnement naturel, du climat, des plantes et des animaux. Il s’agit d’un ensemble de connaissances irrécupérables. La science, la médecine, les gouvernements et les planificateurs de ressources s’appuient tous en partie sur le savoir traditionnel autochtone et sont tous affectés lorsque cette réserve irremplaçable de connaissances environnementales traditionnelles disparaît. Chaque langue qui disparaît équivaut à la perte d’un trésor culturel.

Les efforts visant à préserver et à revitaliser les langues autochtones sont une course contre la montre, car les personnes qui les parlent couramment s’éteignent. Cependant, des actions et des développements sont en cours pour préserver et revitaliser certaines langues indigènes. [lvii]

Notes de fin de texte :[i] https://www.un.org/fr/observances/mother-language-day

‘’Du fait des processus de mondialisation, elles se trouvent désormais de plus en plus menacées, voire disparaissent complètement. Or, lorsque les langues s’éteignent, la diversité culturelle, qui fait la richesse de l’humanité, s’estompe aussi. Avec les langues en effet, ce sont aussi des perspectives, des traditions, une mémoire collective et des modes uniques de pensée et d’expression — autant de ressources précieuses pour garantir un avenir meilleur — qui se perdent.

Plus de 43 % des quelque 6 700 langues parlées dans le monde sont menacées de disparition. Seules plusieurs centaines de langues sont véritablement valorisées dans le système éducatif et dans le domaine public, et moins d’une centaine sont utilisées dans le monde numérique. Cela signifie que toutes les deux semaines, une langue disparaît pour toujours, emportant avec elle tout un patrimoine culturel et intellectuel.

Étant donné que chaque langue est aussi le reflet d’une culture, les langues locales, en particulier les langues des minorités et des peuples autochtones, jouent un rôle primordial dans la préservation de notre riche diversité culturelle mondiale. Elles permettent en effet la transmission de la culture, des valeurs et du savoir traditionnel, ainsi que la promotion d’avenirs durables.

Enfin, les sociétés multiculturelles existent à travers leurs langues et il est donc impératif de redoubler d’efforts pour préserver la diversité linguistique.

Afin de promouvoir la diversité linguistique et culturelle et rappeler l’importance du multilinguisme dans nos sociétés, la Journée internationale de la langue maternelle est célébrée chaque année.’’[ii] Degawan, Minnie. ‘’Langues autochtones : savoirs et espoirs’’, Le Courrier de l’UNESCO 2019-1. https://fr.unesco.org/courier/2019-1/langues-autochtones-savoirs-espoirs[iii] McCarty, Teresa L. ; Sheilah E. Nicholas & Gillian Wigglesworth (eds.). ‘’Introduction. A World of Indigenous Languages – Resurgence, Reclamation, Revitalization and Resilience’’, in A World of Indigenous Languages

Politics, Pedagogies and Prospects for Language Reclamation. Clevedon, North Somerset, United Kingdom : Multilingual Matters, 2019.[iv] https://fr.unesco.org/idil2022-2032#:~:text=L’Assembl%C3%A9e%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20des%20Nations,et%20de%20mobiliser%20les%20parties[v] https://fr.unesco.org/idil2022-2032[vi] http://www.un.org/esa/socdev/unpfii/documents/Factsheet_languages_FINAL.pdf[vii] Chtatou, Mphamed. ‘’ Les Imazighens, qui sont-ils et que veulent-ils ?’’. Etude non-publiée, 46 pages.[viii] Ramos-Martín, Josué. ‘’L’identité amazighe aux Canaries : l’historiographie des origines’’, L’Année du Maghreb, 10 | 2014. http://journals.openedition.org/anneemaghreb/2056 ; DOI : https://doi.org/10.4000/anneemaghreb.2056

Résumé :

‘’Les habitants des îles Canaries, non loin des côtes africaines, ont toujours eu une place, plus ou moins importante selon les époques, au sein des discours sur l’histoire et l’identité berbère. Peu de recherches ont cependant approfondi les raisons et les modalités de ce lien. Cet article tente d’analyser comment l’historiographie des époques les plus reculées du passé canarien a inclus les Berbères (ou Amazighs) dans ce récit sur les origines. Nous décrirons dans un premier temps la genèse de ce processus historiographique et son développement chronologique. Nous analyserons ensuite plus en détail l’articulation des différents discours (avec leurs propres catégories et théories) afin de comprendre comment ils ont donné un sens à cette appartenance et quels ont été leurs effets sur la construction de l’identité canarienne.’’[ix] Souag, Lameen. Berber and Arabic in Siwa (Egypt): A study in linguistic contact. Cologne: Rüdiger Köppe, 2013.[x] Ameur, Meftaha. 2008. ‘’Les contacts arabe-amazighe: Le cas des noms de nombre’’, in Mena Lafkioui & Vermondo Brugnatelli (eds.), Berber in contact: Linguistic and sociolinguistic perspectives, pp. 63–80. Cologne: Rüdiger Köppe, 2008.[xi] https://www.ipacc.org.za/about/[xii] [PDF] « Dahir no 1-01-299 du 29 rajab al khaïr 1422 (17 octobre 2001) portant création de l’Institut royal de la culture amazighe », Bulletin officiel du royaume du Maroc, no 4948,‎ 1er novembre 2001, p. 1074-1076 (ISSN 0851-1217).[xiii] http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/constitution/constitution_2011_Fr.pdf

https://publicofficialsfinancialdisclosure.worldbank.org/sites/fdl/files/assets/law-library-files/Morocco_Constitution_2011_fr.pdf[xiv] Le Haut-commissariat à l’amazighité (HCA), en tamazigh : (Asqamu unnig n timmuzɣa’, SNM, ⴰⵙⵇⴰⵎⵓ ⵓⵏⵏⵉⴳ ⵏ ⵜⵉⵎⵓⵣⵖⴰ), est un institut académique de l’État algérien chargé de l’étude et de la promotion de la langue amazighe en Algérie. Il fut créé par décret présidentiel le 27 mai 1995, sous le mandat du Président Liamine Zeroual. C’est le premier institut officiel au Maghreb consacré à la culture et la langue berbère. Il est rattaché directement à la présidence de la République depuis sa création en 1995.[xv] Chaker, Salem. ‘’Berbérité/Amazighité (Algérie/Maroc) : La ”nouvelle politique berbère”’’, Studi Magrebini, Centro di Studi Magrebini – Università degli studi du Napoli ’L’Orientale’, 2017, pp. 129-153. ffhal-01770548. https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-01770548/document[xvi] Ben Tahar, Amar & Inès El-Shikh. ‘’ La « berbétité » des Etats du Maghreb, la plus longue guerre froide de l’Histoire. Tour d’horizon en Afrique du nord sur la berbérité (amazighité)’’, Le Monde du 15 juin 2012. https://www.lemonde.fr/idees/article/2012/06/15/la-berbetite-des-etats-du-maghreb-la-plus-longue-guerre-froide-de-l-histoire_1718491_3232.html[xvii] Fanack. ‘’In Libya, the Amazighs fight for their rights, but risk getting caught in the country’s ongoing and bloody conflict’’, Fanack.com, 12 septembre 2019. https://fanack.com/human-rights-en/libya-amazighs-fight-for-their-rights~122758/[xviii] Ibid.[xix] Alesbury, Andrew. “A SOCIETY IN MOTION: THE TUAREG FROM THE PRE-COLONIAL ERA TO TODAY.” Nomadic Peoples, vol. 17, no. 1, White Horse Press, 2013, pp. 106–25, http://www.jstor.org/stable/43123923.[xx] Bourgeot, A. (ed.): Horizons nomades en Afrique Sahélienne: Sociétés, développement et démocratie (actes du colloque du 3-7 novembre 1997, Niamey). Paris : Karthala, 1999.

Bouhlel-Hardy, Ferdaous ; Yvan Guichaoua & Abdoulaye Tamboura. ‘’ Tuareg Crises in Niger and Mali’’, IFRI, 2008. https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/Sem_Tuaregcrises_EN.pdf[xxi] Ait Habbouche, Khadidja. Language maintenance and language shift among Kabyle speakers in Arabic speaking communities: The case of Oran. Oran: University of Oran (Master’s dissertation), 2013.[xxii] Chtatou, Mohamed. “Comprendre la trinité culturelle amazighe“, Le Monde Amazigh du 7 septembre 2018. http://amadalamazigh.press.ma/fr/comprendre-la-trinite-culturelle-amazighe/[xxiii] Chtatou, Mohamed. “The Jajouka Master Musicians: A Universal Hymn To Tolerance And Peace From Morocco To The World – Analysis’’, Eurasia Review du 16 septembre 2019. https://www.eurasiareview.com/16092019-the-jajouka-master-musicians-a-universal-hymn-to-tolerance-and-peace-from-morocco-to-the-world-analysis/[xxiv] Chaker, Salem. ‘’Azref : ‘’droit coutumier’’’’, Encyclopédie berbère, 8 | 1990. http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/227 ; DOI : https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.227[xxv] Chtatou, Mohamed. “Les femmes amazighes, gardiennes de la langue et de la culture“, Le Monde Amazigh du 29 avril 2020. http://amadalamazigh.press.ma/fr/les-femmes-amazighes-gardiennes-de-la-langue-et-de-la-culture/[xxvi] Sadiqi, Fatima. « The Role of Moroccan Women in Preserving Amazigh Language and Culture », Museum International 59.4, 2007, p. 31.[xxvii] Chtatou, Mohamed. ‘’Le tapis amazigh: identité, création, art et histoire’’, Le Monde Amazigh du 18 juin 2020. https://amadalamazigh.press.ma/fr/le-tapis-amazigh-identite-creation-art-et-histoire/[xxviii]  Becker, Cynthia. Amazigh arts in Morocco: women shaping berber identity. Austin : University of Texas Press, 2014, p. 120.[xxix] Ibid, p. 131.[xxx] Ibid.[xxxi] Cf. Fanack.com. “Women in Berber Culture, “in Fanack.com of November 8, 2017 / March 24, 2020. https://fanack.com/morocco/society-media-culture/culture/berber-women/

“Women are valorized as keepers of Berber language and culture as central to identity construction. Identity construction and preservation through art is also at the heart of Berber women’s religious and spiritual agency. Through their artistic expressions, women not only control weddings as a means of preserving the sacredness of cultural distinctiveness in the midst of powerful societal influences, such as modernization, which are rapidly affecting their lives, but they also weave carpets, make tents and pottery, decorate face, hands and feet with henna and embroider clothing that reinforces Berber ethnic identity. Through art and mother-daughter transmission, Berber women link the past with the present. “[xxxii] Ibid.

“Women are valorized as keepers of Berber language and culture as central to identity construction. Identity construction and preservation through art is also at the heart of Berber women’s religious and spiritual agency. Through their artistic expressions, women not only control weddings as a means of preserving the sacredness of cultural distinctiveness in the midst of powerful societal influences, such as modernization, which are rapidly affecting their lives, but they also weave carpets, make tents and pottery, decorate face, hands and feet with henna and embroider clothing that reinforces Berber ethnic identity. Through art and mother-daughter transmission, Berber women link the past with the present. “[xxxiii] Cf. Becker 2006, 49.[xxxiv] Sī Muḥand Aw Mḥand. Les isefra : poèmes / de Si Mohand-ou-Mhand ; texte berbère et traduction [par] Mouloud Mammeri. Paris : F. Maspero, 1969.

Autre tirage : 1972, 1978. – « Essai de fixation de la tradition orale » : il s’agit de la retranscription de poèmes jusqu’alors transmis oralement (p. 90). – Texte en berbère (alphabet latin) et traduction française en regard[xxxv] Amarīr, ʿU. al-Shiʿr al-āmāzīghī al-mansūb ilā Sīdī Ḥammū al-Ṭālib [La poésie berbère attribuée à Sidi Ḥammu le savant]. Casablanca: Maktabat Brūvāns (en Shilha et en arabe), 1987.[xxxvi] L’une des premières traductions de la poésie de Sidi Hammou a été publiée en Angleterre par R. L. N. Johnson sous le titre : The Songs of Sidi Hammou. London : E. Mathews, 1907 ; C. E. Andrews a également traduit plusieurs de ses poèmes pour le volume 21 de Asia : Journal of the American Asiatic Association en 1921.[xxxvii] Reyniers, François (1902-1976). Taougrat ou Les Berbères racontés par eux-mêmes ; bois et dessins de R. Limousis. Paris : P. Geuthner, 1930. https://neocultureamazighedotcom.files.wordpress.com/2021/06/taougrat.pdf[xxxviii] Basset, Henri. Essai sur la littérature des Berbères. Alger: Jules Carbonel, 1920.[xxxix] Chtatou, Mohamed. “Bin –Abd Al-Karim Al-Khattabi in the Rifi Oral Tradition of Gzenneya,” in Tribe and State: Essays in Honour of David Montgomery Hart, eds. E. G. H. Joffé and C. R. Pennell. Cambridgeshire, UK: Middle East and North Africa Studies Press, 1991, 1991a, pp. 182–212.[xl] Boogert, Nico van den. The Berber Literary Tradition of the Sous – With an Edition and Translation of ‘The Ocean of Tears’ by Muhammad Awzali (d. 1749). Leiden, Nederlands : Inst. voor het Nabije Oosten, 1997.

Ce livre est la première exploration des textes manuscrits berbères Tashelhit produits dans le Sous (Sud du Maroc). La première partie décrit la région et son système scolaire traditionnel et offre une description générale des textes manuscrits, de leur forme, de leur contenu, de leur orthographe (écriture maghrébine-arabe entièrement vocalisée) et de leur langue. Elle présente un aperçu de tous les textes manuscrits connus à ce jour, dont le plus ancien a été écrit vers 1580. La deuxième partie décrit la vie et l’œuvre de Muhammad Awzal (±1680-1749 AD), l’auteur berbère le plus important de l’époque, et contient une liste de tous les manuscrits d’Awzal. Le lexique et la langue d’Awzal sont étudiés séparément. Une édition en transcription de l’exhortation versifiée d’Awzal Bahr ad-dumū’ « Océan de larmes », avec traduction anglaise, notes et glossaire est également incluse. – Un fac-similé-reproduction du texte original en écriture arabe et une traduction en français sont également disponibles: « L’océan des pleurs – Poème berbère de Muhammad al-Awzali » (transcrit, traduit et édité par Bruno Hugo Stricker).[xli] Fursova, E.N. ‘’On the Issue of the Berber Written Tradition’’, Outlines of global transformations: politics, economics, law,13(3), 2020, pp. 232-248. (In Russ.) https://doi.org/10.23932/2542-0240-2020-13-3-13[xlii] Maddy-Weitzman, Bruce. The Berber Identity Movement and the Challenge to North African States. Austin: University of Texas Press, 2011, p. 132.[xliii] Boukous, Ahmed. ‘’Revitalisation de l’amazighe Enjeux et stratégies’’, Langage et société, 2013/1 (n° 143), 2013, pp. 9-26. DOI : 10.3917/ls.143.0009. URL : https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2013-1-page-9.htm[xliv] Boukous, Ahmed. Revitalizing the Amazigh Language: Stakes, Challenges, and Strategies, traduit par K. Bensoukas. Rabat : IRCAM, 2012.[xlv]   Boukous, Ahmed. ‘’Revitalisation de l’amazighe Enjeux et stratégies’’, op. cit.[xlvi] Mezhoud, Salem. Ideologies of Unification and the Practice of Revitalization. Tamazight saw it all …or almost. Proceedings of XIV Conference of the Foundation for Endangered Languages. FEL and University of Wales Trinity Saint David 13-15 September 2010, 2010.[xlvii] United Nations (UN). Universal Declaration of Human Rights. New York: UN, 1948; and UN, International Conference on Population and Development Programme of Action. New York: UN, 1994, para. 4.18.[xlviii] United Nations (UN). Platform of Action, Fourth World Conference on Women, Beijing, China, 4-15 September 1995. New York: UN, 1996, para. 69 ; and UN. The Beijing Declaration. New York: UN, 1996, paras. 13, 14, and 17.[xlix] https://www.un.org/fr/millenniumgoals/[l] United Nations (UN). “Millennium Development Goals: About the Goals”. www.developmentgoals.org/About_the_goals.htm[li] United Nations Educational, Scientific, and Cultural Organization (UNESCO), Institute for Statistics. Financing Education — Investments and Returns, Analysis of the World Education Indicators, 2002 Edition: Executive Summary. http://portal.unesco.org/
uis/TEMPLATE/pdf/wei/WEI_ExecSummary_Eng.pdf[lii] Eeghen, Willem van & Kouassi Soman. “Poverty in the Middle East and North Africa”. World Bank, 1997. www.worldbank.org/mdf/mdf1/menapoor.htm[liii] United Nations Population Fund (UNFPA). State of World Population 2002: People, Poverty, and Possibilities. New York: UNFPA, 2002.[liv] Daisy Dwyer, Daisy & Judith Bruce, eds. A Home Divided: Women and Income in the Third World. Stanford, CA: Stanford University Press, 1988.[lv] Chtatou, Mohamed. ‘’Delving Into Functional Adult Literacy (FAL)’’, Eurasia Review, 4 mars 2021. https://www.eurasiareview.com/04032021-delving-into-functional-adult-literacy-fal-analysis/[lvi] Strochlic, Nina. ‘’The Race to Save the World’s Disappearing Languages’’, National Geographic, avril 2018. https://www.nationalgeographic.com/culture/article/saving-dying-disappearing-languages-wikitongues-culture[lvii] Walker, Nick. ‘’Mapping Indigenous languages » », Canadian Geographic, décembre 2017.  www.canadiangeographic.ca/article/mapping-indigenous-languages-canada


Dr. Mohamed Chtatou

Professeur universitaire et analyste politique international

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